The memorialisation of Holocaust deportations from French train stations

Charlotte Steele
La patrimonialisation des anciennes gares de déportation en France

Introduction
Sur les plus de 75 000 Juifs déportés entre 1942 et 1944 depuis les gares françaises, environ 2000 ont survécu. Les gares sont le dernier endroit où les déportés se sont trouvés sur le sol français et elles font partie de l’infrastructure utilisée pour les déportations par le régime de Vichy avec l’aide de la compagnie nationale de chemin de fer, la SNCF, en collaboration avec l’Allemagne nazie. Ces lieux de mémoire (Nora, 1997) ont fait l’objet de multiples efforts de commémoration. Le projet de recherche vise à examiner la patrimonialisation des gares françaises dans le contexte de la mémoire française d’après-guerre (Rousso, 1990 ; Nord, 2020) par des militants de la mémoire (Gluck, 2007 ; Wüstenberg, 2017) et des acteurs publics et privés à l’échelle locale, régionale, nationale et européenne.
Contexte de recherche
Le projet propose une approche spatiale (Knowles, Cole & Giordano, 2014) pour examiner la commémoration des déportations effectuées des gares de Bobigny, Pantin, Pithiviers et du Bourget, et le processus de patrimonialisation de chaque gare, influencé par la mémoire française d’après-guerre.
Les gares de Bobigny, du Bourget et de Pantin sont situées en Seine-Saint-Denis, une région au nord de Paris qui subit une intense régénération pour transformer le Grand Paris. Jusqu’aux années 1990, les commémorations dans ces gares ne reconnaissaient pas la spécificité des victimes juives. En 2011, le président de la SNCF s’est excusé à la gare de Bobigny pour le rôle de l’entreprise dans les déportations de l’Holocauste, seize ans après la reconnaissance, par le président français Jacques Chirac, du rôle complice des autorités françaises dans la déportation des Juifs. Les excuses de Jacques Chirac ont marqué une reconnaissance officielle de la Collaboration, un
changement par rapport au récit de Résistance d’après-guerre et un résultat du travail de mémoire commencé dans les années 1970 (Rousso, 1990).
Un jardin commémoratif à la gare de Bobigny, financé par le conseil municipal de Bobigny, la SNCF et le ministère de la Défense pour commémorer les 22 500 Juifs déportés, a été inauguré en juillet 2023. Déclassée en 1980, la gare de Bobigny est située à proximité de logements sociaux et de réhabilitation. Le Bourget, reconstruit en 2008, et la gare de Pantin restent en service. Une plaque commémorative est la seule indication des 42 convois partis de la gare du Bourget, la plupart vers Auschwitz-Birkenau. Un mémorial de déportation et une plaque sont installés au Quai aux bestiaux de Pantin, où le dernier convoi est parti de France en août 1944. En revanche, un musée
commémoratif a été ouvert en juillet 2022 à la gare désaffectée de Pithiviers dans le Loiret avec un financement public et privé.
Les anciennes gares de déportation françaises ont été étudiées sous l’angle du patrimoine et du tourisme régional (Bourgon, 2012), de l’histoire (Bachelier, 1996 ; Fontaine, 2022), du SIG (Pinol, 2019) et de la responsabilité sociétale des déportations de la SNCF (Federman, 2021). Broch a réévalué la mémoire collective des cheminots comme résistants (Broch, 2016), un mythe immortalisé dans le film d’après-guerre La Bataille du rail (Clément, 1946) et repris dans la littérature réactionnaire récente sur les déportations (Chevandier, 2022).
Mémoires, témoignages et récits de survivants (Drame, 2007 ; Weller, 1961) décrivent les terribles voyages en train vers les camps et les ghettos. Klarsfeld rassemble des listes de transport de Juifs déportés de France (1978). Au-delà de la France, Gottwaldt et Schulle ont détaillé l’infrastructure physique et la logistique des déportations depuis l’Allemagne (2005), et Hilberg a étudié la collaboration des compagnies ferroviaires européennes avec les autorités nazies dans les déportations (2003).
Nord a examiné la commémoration des déportations de France en dehors des gares (2020). Seule la patrimonialisation de la gare de Bobigny est mentionnée dans les recherches (Broch, 2016 ; Derveaux, 2010 ; Guixé, 2019), dépassée en nombre par les études de patrimonialisation sur les paysages ruraux français de l’Holocauste (Aulich, 2007 ; Roberts, 2010), les monuments commémoratifs urbains de Paris (Carrier, 2005 ; Nora, 1997 ; Wierviorka, 1992) et la Cité de la Muette à Drancy (Hansen, 2014). Pour combler le manque de recherche sur la patrimonialisation des anciennes gares de déportation de Bobigny, du Bourget, de Pantin et de Pithiviers, je propose
d’examiner les gares sur de multiples échelles spatiales et les acteurs de la mémoire impliqués dans les pratiques commémoratives successives.

Questions de recherche
La présence et l’absence de cérémonies commémoratives et de projets reconnaissant différents groupes et événements dans les quatre gares suivent les tendances de mémoire et de patrimonialisation de l’après-guerre (Nord, 2020). Pour comprendre la multiplicité et la superposition de la mémoire française d’après-guerre et comment elle a éclairé la patrimonialisation des gares, je vais étudier ces gares comme des palimpsestes (Huyssen, 2003 ; Silverman, 2013), hantées par le passé (Derrida, 1993). Pour comprendre le processus de patrimonialisation, je vais situer les gares dans leur paysage urbain, en relation avec des projets de réaménagement urbain sur plusieurs
échelles géographiques. Les gares se trouvent au confluent de réseaux physiques et mémoriels transnationaux. Il s’agit de sites complexes impliquant de multiples acteurs de la société civile ayant des préoccupations différentes, fonctionnant dans des cadres législatifs et politiques spécifiques et ayant des responsabilités particulières pour la mémoire, la commémoration et la préservation du passé (Wüstenberg, 2020).

À travers les études de cas, le projet cherchera à répondre à la question de recherche suivante :
Comment les sites de l’Holocauste dans les transports urbains français sont-ils commémorés ? Pour répondre à cette question de recherche, le projet cherchera à répondre aux sous-questions suivantes :
1. Comment les gares de Bobigny, du Bourget, de Pantin et de Pithiviers ont-elles été patrimonialisées dans les projets de réaménagement urbain environnants ?
2. Comment le travail de mémoire (Ledoux, 2016) autour des anciennes gares de déportation se traduit-il dans la pratique aux échelles locale, régionale, nationale et européenne ?
a) Quel est le contexte politique et la prise de décision derrière la patrimonialisation des gares ?
b) Quelle est la contribution des intervenants et des militants de la mémoire à la patrimonialisation des gares (histoire orale) ?
3. Comment la patrimonialisation de ces quatre gares nous aide-t-elle à comprendre la
patrimonialisation de sites semblables ?

Maître d'ouvrage :

Contrat doctoral, Université de Bristol, UK.

Date :

2024-2028

Doctorant :

Charlotte STEELE

Composition du jury :

Cotutelle de thèse entre :

University of Bristol :
Tim Cole, Professor of Social History, Department of History (Historical Studies)
Erika Hanna, Associate Professor in Modern History, Department of History (Historical Studies)
&
ENSA Toulouse, École doctorale TESC, UT2J.
Rémi Papillault, professeur HDR en architecture, docteur en histoire, EHESS, Paris.
Sophie Fradier, maitre de conférence associée, docteure en histoire de l’architecture.