La recherche par le projet, critères d’objectivation.
Pour définir le thème de ces 7ème rencontres doctorales qui ce sont déroulées les 12 et 13 octobre 2023 à l’ENSA Toulouse, nous partions de l’hypothèse qu’y compris dans la recherche, la discipline architecture est liée à la démarche de projet. La question n’est pas neuve mais il nous semble qu’elle prend aujourd’hui plus de force autour d’une diversité d’approches européennes.
Expérimentations-prospectives, recherche-action, recherche-création, atelier, …, la recherche en architecture par-sur-dans le projet peut prendre des formes différentes dont beaucoup sont apparues plus ou moins entre les lignes lors des dernières rencontres dans leur diversité et dans leur richesse.
Malgré le début de reconnaissance transdisciplinaire dont elle fait aujourd’hui l’objet, la recherche-projet, serait-elle cependant restreinte à l’observation du faire, ou même acteur du faire, mais restant à distance d’une recherche fondamentale ? Ou en renversant la formulation, depuis l’apparition de la discipline architecture et la conceptualisation de l’acte de concevoir, d’édifier, « le processus de projet n’est-il pas déjà recherche »? Quelle est la nature des liens multidisciplinaires et à quel point le projet, dans une itération conception-argument, figure-texte, peut-il détenir un potentiel de démonstration fiable, transposable voire reproductible?
N’y aurait-il pas aujourd’hui accélération du phénomène et nécessité d’en dessiner,ou redessiner les contours ? A l’heure des transitions énergétique, écologique et numérique comment cette question se transforme ? Comment cette question est elle travaillée dans les laboratoires européens ?
Depuis les numéros des Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, « Trajectoires doctorales » de 2012 et 2014, depuis le colloque de 2015 à Marseille et celui initié par Jean-Louis Cohen la même année au Collège de France, force est de constater une montée en puissance de cette question dans les Laboratoires de recherche et dans les ateliers de projet-séminaire des écoles d’architecture.
On peut aussi repérer cela dans le nombre de demande d’intégration des laboratoires par des enseignants d’atelier de conception. Plus largement, on pourrait le repérer aussi par l’apparition de cellules de recherche dans les agences d’architecture, décelables au travers de nombreuses publications et plus récemment par une relativement large offre de Cifre.
Malgré un départ hésitant dans la définition d’un statut d’enseignant-chercheur, qui intègre aussi les enseignants d’atelier de conception quelques thèses et recherches sont sorties qui tentent un appui fort sur cette recherche projet.
L’idée était de faire le point lors de ces rencontres d’octobre 2023 sur la base d’exemple précis de doctorats expérimentant une recherche par le projet pour mesurer les acquis et les limites de l’exercice. Nous nous appuyions notamment sur le réseau « New European Bauhaus Goes South » pour traiter de cette question qui nous permettait donc d’observer la recherche doctorale par le projet dans une ouverture européenne.
Thématiques en appui sur le projet
Pour partir de thématiques concrètes nous avions définis les thématiques suivantes qui pouvaient être abordées par des doctorants dans le cadre de thèses classiques, de CIFRE en entreprise, de thèse en VAE ou encore de thèse sur travaux.
Pour chaque thème on cherchait à faire ressortir comment dans sa thèse on peut prendre appui sur le projet dans ses différentes formes de prospective, expérimentation, manipulation, scénario, processus,…. Cela est aussi potentiellement à regarder dans une ouverture disciplinaire où recherche- action, recherche-création prennent des couleurs différentes en sciences humaines, sciences dures ou art.
Pour garder une cohérence de propos nous insistions sur le fait que les thèmes choisis ne devaient donc pas être interrogés pour eux-mêmes, mais bien pour la façon dont i- Rémi Papillault, Prof Hdr, Ensa Toulousels utilisent le projet comme élément central de la recherche. Il s’agissait de veiller particulièrement à faire ressortir les critères d’objectivation du projet qui permettent de définir une valeur de scientificité des résultats.
Donc ces 4 thèmes portaient sur :
• L’échelle des grands territoires.
Comment l’analyse de la transformation des territoires dans le cadre de la transition écologique prend appui sur le projet ? Comment s’opère une traversée des échelles spatiales et temporelles dans une vision prospective spécifique ? Ce thème à la rencontre entre géographie, urbanisme, paysage environnement et architecture, s’attachera à définir les spécificités d’un appui au projet.
• Les enjeux de mutations de la ville contemporaine
A l’échelle de la ville comment faire ressortir par le projet les mouvements à l’œuvre dans les théories sur la ville et dans les études de cas du rural au métropolitain ? Comment l’analyse de la morphologie urbaine est-elle envisagée ? Ce thème croise les approches historiques, urbaines, architecturales, sociales, climatiques, énergétiques, environnementales avec toujours pour question : quel appui sur le projet ?
• Le cadre de l’intervention sur l’existant
Comment l’analyse de l’existant au travers de monographie critique ouvre à la définition d’éléments pour la restauration de bâtiments qui sont testés par le projet et/ou l’expérimentation. Ce thème traite des approches patrimoniales, réhabilitation/rénovation, environnementales, sociales. On cherchera là aussi à définir les critères d’objectivation de cela.
• Les matériaux géo-biosourcés.
Dans le cadre de la transition écologique de nombreuses thèses portent sur la question de l’usage des matériaux à faible empreinte carbone en architecture. En articulation avec les sciences dures il semble que les critères d’objectivité soient là naturellement définis mais quelles en sont les limites ?
• La médiation sur l’architecture
De plus en plus de thèses travaillent sur la question de la médiation, de la gouvernance et des jeux d’acteurs, qui amènent le doctorant à dépasser le cadre de l’observation pour devenir soit même comme acteur d’un projet, que ce soit à l’échelle architecturale ou urbaine. Comment être dedans et à distance du projet pourra être là une question centrale ?
Face à la richesse des réponses doctorantes sur ces différentes thématiques nous avons interrogé des professeurs de différents pays européen à définir l’impact de cette question sur la recherche.
Après la conférence d’ouverture de Bruno Reichlin qui rappelait l’histoire de la notion entre Suisse et Italie et Panos Mantziaras qui ouvrait de nouvelles pistes en lien avec la transition, nous avons pu écouter Debora Domingo Calabuig de l’UPV Valencia, Marta Rocha de la FAUP de Porto, Gian-Battista Cocco de l’Université de Cagliari, Audrey Courbebaisse du département de recherche de Louvain, Panos Mantzarias et Franz Graf de l’EPFL Lausanne et de l’Ecole d’architecture de Mendrisio.
Ils ont ainsi pu témoigner des diversités d’approche
Équipe :
Responsables Scientifiques
Rémi Papillault, Prof Hdr, Ensa Toulouse, codirecteur du LRA
Nathalie Tornay, dct en architecture, codirectrice du LRA
COMITE SCIENTIFIQUE
Carlo Atzeni, Prof Phd, Cagliari, Italie
Audrey Courbebaisse, Prof,dct en architecture, Belgique
Franz Graf, Prof Phd, EPFL et Ecole d’architecture de Mendrisio.
Richard Klein, Prof Hdr, Ensa Lille.
Joao Pedro Xavier, dirProf Phd FAUP Porto, Portugal
Debora Calabuig, Prof Phd, Valence, Espagne
Panos Mantzarias, Phd, diplômé Athènes, dir Fondation Braillard, Genève,
Rémi Papillault, Prof Hdr, Ensa Toulouse.