I LA CELLULE ( rédaction R. PAPILLAULT) 1
I.1. La genèse d’une cellule 1
L’ATBAT-Afrique(1951 fin du protectorat 3/03/1956) 4
L’Habitat marocain 6
Le type Sémiramis orienté Est – Ouest 8
Le type Sémiramis orientation Sud 9
L’immeuble tour 10
L’Habitat européen 10
Le type Trèfle 1953 11
Le type Zéta, 1954 13
L’opération Million, 1954-57 13
De Bagnols sur Cèze, 1956 à Nîmes, 1961 15
I.2. Historique de la conception de la cellule du Mirail 16
Les petits collectifs, 1962/1967 16
Les grands collectifs, évolution de la cellule dans le projet 18
Le dossier d’Appel d’offre de 1964 19
Le dossier marché de 1965 24
I.3. La cellule chez Candilis, Josic et Woods 26
La critique du règlement dans la conception du logement 26
« Les normes spatiales » 27
Le plan : structure,partition et distribution 30
« Se réunir, s’isoler » et entre les deux 31
L’évolutivité ou la flexibilité de la cellule 32
Organisation verticale du logement : le semi duplex 35
La double circulation dans le logis 37
Le logement traversant et la position de l’escalier 37
La prolongation extérieure de la cellule : la loggia et le balcon 38
La division tripartite du logement par la structure porteuse à trame perpendiculaire aux façades 39
I LA CELLULE
« On peut calculer les surfaces, les volumes le temps, le prix mais on ne peut pas mesurer le respect. Il appartient à la qualité, fluide libre, superbe, qui s’échappe chaque fois qu’on croit l’atteindre, qui nous oblige à faire toujours mieux ». (Bâtir la vie, p. 183).
Dans ce chapitre, nous cherchons à évaluer les influences de la réglementation, de la norme, et du caractère expérimental de l’opération de la Z.U.P. du Mirail sur la cellule projetée par G. Candilis, A. Josic et S. Woods, dont les grands principes distributifs font de ces logements des habitations innovantes et exceptionnelles.
La cellule du Mirail est-elle la résultante d’une somme de contraintes réglementaires, d’incitations expérimentales ou bien serait-elle plutôt l’aboutissement d’un long processus de mise au point sans rapport direct avec une quelconque réglementation?
Notre analyse s’articule autour de trois aspects que nous pourrions qualifier de contextuels, d’internes et d’externes de ce processus d’élaboration de la cellule.
La première partie concerne la genèse de la cellule dans l’œuvre des architectes. Nous retracerons son processus d’élaboration en confrontant le projet toulousain à la production précédente de l’agence Candilis, comme les recherches pour des logements économiques, les logements réalisés à Bagnols-sur-Cèze, à Aulnay-sous-Bois ou « l’opération million”… Cette approche s’appuie sur le dépouillement de nombreux revues et articles relatant le travail de l’agence ainsi que des articles théoriques signés par G. Candilis et S. Woods.
Nous analyserons ensuite les évolutions de la cellule de la Z.U.P. de Toulouse-Le-Mirail au fur et à mesure de l’avancement du projet, du concours à sa réalisation, et observerons dans quelle mesure les adaptations successives, les transformations des appartements répondent à des impératifs dus aux normes, aux règles, et/ou aux problèmes liés aux appels d’offres et aux conditions économiques, aux contraintes du chantier…
Enfin nous essayerons ensuite de faire ressortir de cet historique, les grands thèmes spatiaux, constructifs et distributifs mis au point par les architectes en les comparants là aussi à la production courante de l’époque.
I.1. La genèse d’une cellule
Les projets de l’agence Candilis, Josic et Woods ont été décrits par les trois architectes dans leur publication de 1968 , puis par Candilis dans ses mémoires . Plus récemment des recherches ont pu montrer » la continuité de la recherche » chez ces architectes . C’est en nous appuyant sur ces travaux et sur les nombreux articles publiés par Candilis, Josic et Woods que nous essaierons de faire ressortir les grands axes de composition du plan de cellule qui conduiront au plan du Mirail.
Notre recherche sur l’historique de la conception de la cellule de l’agence Candilis, Josic et Woods portera principalement sur l’habitation collective. Nous verrons tout de même comment le travail qu’ils mènent en parallèle sur l’habitation individuelle aura quelques retombés sur les immeubles de logement.
Lors du CIAM d’Athènes de 1933, Le Corbusier s’étant laissé distraire par une « dérive urbaine » dans la vieille ville est en retard pour sa conférence de clôture. Le public s’impatiente. Parmi eux, Georges Candilis, jeune étudiant de l’École Polytechnique de cette ville. Une heure plus tard Le Corbusier commence son intervention:
« Lorsqu’il commença à parler, l’assistance oublia son retard, son indélicatesse, et fut emportée, subjuguée par la révélation admirable du fait nouveau, simple, vrai, qui allait balayer, en quelques phrases, vingt siècles de conformisme architectural »
Cette admiration, voire cette fascination pour Le Corbusier ne se démentira tout au long de la carrière de Candilis. Aussi quand douze année plus tard, le 20 décembre 1945, lorsqu’il arrive à Paris, bourse en poche, sa recherche d’une place en agence le conduit naturellement chez Le Corbusier qui a reçu dans le courant du mois d’Octobre la commande pour un immeuble d’Habitation à Marseille. Candilis tombe sur Le Corbusier en personne. Il entre, l’agence est vide. Les deux architectes discutent; Candilis sort quelques dessins « de logement, très simples reliés entre eux, sur deux ou trois niveaux, par un escalier ». Le Corbusier apprécie, pense à son projet de Marseille et embauche Candilis.
Au début de 1947 Sadrach Woods se présente lui aussi à l’agence Le Corbusier où après quelques péripéties il est finalement embauché grâce à l’appui et aux conseils de Candilis.
La même année l’ATBAT, l’Atelier des Bâtisseurs, est créé sous l’impulsion de Le Corbusier avec Vladimir Bodiansky qui en prend la direction jusqu’à sa mort en 1966, et avec André Vogensky, Marcel Py et Jacques-Louis Lefèbre.
Le but de l’Atelier est de définir une nouvelle relation entre architectes, ingénieurs et entreprises. L’ATBAT est dès le début de son existence directement impliqué dans la conception de la Cité Radieuse et dans celle de l’Usine Duval à Saint-Dié (1948-50).
Ainsi travaillent ensemble sur les plans d’exécution de la cité, Bodiansky comme ingénieur, Candilis comme chef de projet et Woods comme assistant.
Toujours en 1947, Candilis et Woods sont naturellement choisis pour suivre le chantier de l’unité d’habitation, ils partent s’installer à Marseille où ils resteront quasiment jusqu’à la fin du chantier.
Le temps de la conception et du chantier de la Cité radieuse fut-il réellement l’école de la transgression réglementaire pour Candilis et Woods. Ce projet qui « ne correspondait en rien aux normes et règlements de l’administration » qui « représentait l’exception » a-t-il marqué les architectes? Cette hypothèse que nous avions formulé en tout début de recherche est confirmée par A.P. Hardy » il a fallu mettre en place un permis de construire expérimental pour que Le Corbusier évite les dix raisons de refus qui lui seront opposés »
Ces raisons du refus de permis de la cité d’habitation portent principalement sur l’hygiène, la sécurité, elles se résoudront au plus haut niveau du Ministère grâce à l’intervention d’Eugène-Claudius Petit.
Jacques Sbriglio insiste sur le caractère hors norme du projet qui impose d’inventer une réglementation spécifique. Malheureusement il ne cite dans sa monographie, qu’une de ces dérogations portant sur les problèmes d’éclairement des rues intérieures:
» Au point de vue de l’éclairage, l’ouverture de l’extrémité des rues intérieurs provoquerait un éblouissement et un contre-jour qui nécessiterait un éclairage électrique beaucoup plus intense pour un rendement médiocre. C’est le problème bien connu des tunnels routiers, qui n’est pas parfaitement résolu ».
En 1948 un permis de construire est demandé alors qu’il n’en avait jamais été question avant le début des travaux. Au mois de Juin ce permis est à la signature du Ministre, sera-t-il signé ?
Les licences réglementaires de l’unité se résoudront finalement grâce à un arrêté ministériel du 25 juillet 1949 d’exemption de permis de construire pour les constructions à caractère expérimental qui s’appliquera quelques jours après, le 8 août, au bâtiment du Corbusier. Les requêtes pour arrêter le projet du Conseil Supérieur de l’Architecture et de l’Urbanisme de 1947, celle du Conseil Supérieur de l’Hygiène Publique de France de 1948, celle du 19 août 1949 de la Société pour l’Esthétique générale de la France n’y pourront rien, et le bâtiment sera inauguré le 14 octobre 1952.
De tous ces procès et ces menaces contre ce qui fit partie aussi de sa propre expérience Candilis gardera toute sa carrière une défiance pour toutes normes et règlements. Comme son « maître », il attaquera de façon permanente dans ses articles et ouvrages les contraintes réglementaires en inadéquation avec la modernité. La norme étant par nature en retard sur son temps il était, et il reste, normal qu’un architecte n’ait de cesse que de la transgresser.
L’ATBAT-Afrique (1951 fin du protectorat 3/03/1956)
Michel Ecochard et Vladimir Bodiansky qui s’étaient rencontrés, entre septembre 1945 et avril 1946, lors d’une mission d’architecture et d’urbanisme aux États Unis à laquelle participait Le Corbusier resteront en contact .
Michel Ecochard Directeur de l’Urbanisme au Maroc depuis 1947, invite en Novembre 1949 Bodiansky et Marcel Lods à tenir deux lectures à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Casablanca, respectivement sur « Les méthodes de constructions modernes » et « Urbanisme et vie moderne » .
Suite à cette invitation, en 1949, Bodiansky et Marcel Lods (1891-1978) créent une filiale de l’ATBAT, l’ATBAT-Afrique.
Relativement rapidement le bureau d’étude se met au travail et participe à des concours. La bourse du travail de Casablanca, par exemple, où Lods et Bodiansky reprennent le savoir faire sur la mobilité et l’adaptabilité vu pour la Maison du Peuple de Clichy (1935-1939) et pour le concours de l’hôtel de ville d’Agadir avec Luc Arsène Henry comme architecte associé .
La filiale africaine prenant de l’importance, Bodiansky, pense à Candilis pour en assurer la direction.
Celui-ci hésite entre la proposition de Le Corbusier pour être son représentant à Chandigarh dont celui-ci vient de recevoir la commande, et celle d’un groupe d’architecte marseillais qui l’engage à ouvrir un cabinet sur la Côte d’Azur. D’un coté le « maître » dont l’attitude commence à être de plus en plus pesante, de l’autre la sécurité sur la côte mais « cette architecture au service des privilégiés ne m’intéressait pas ».
Finalement Candilis choisit la troisième voie en acceptant la proposition de Bodiansky :
« En Europe la force d’inertie était tellement paralysante que je me tournais vers des régions vierges où je pensais pouvoir agir plus librement ».
Il arrive à Casablanca en 1951 où il rencontre Ecochard qui l’incite à travailler sur le problème difficile du logement pour les milliers de marocains de l’exode rural qui s’entassait dans des bidonvilles autour des grandes villes, notamment Casablanca.
Tout l’ATBAT-Afrique se prend de passion pour l’aventure du « plus grand nombre ». Ecochard, Bodiansky et Candilis commence la rédaction de la Charte de l’Habitat qu’ils vont promouvoir dans une série de conférences sous l’égide des Nations Unies.
Cette Charte sera présentée par Vladimir Bodiansky dès septembre 1951 devant le Conseil Économique et Social des Nations Unies . Elle donnera lieu à la définition d’une grille d’analyse en juillet 1953 pour le CIAM 9 d’Aix en Provence, et qui sera publiée sur la base de l’exemple des bidonvilles marocains en Octobre dans la revue Architecture d’Aujourd’hui .
En parallèle l’activité militante de Candilis l’entraîne à participer aux nombreuses cellules de réflexion liées aux CIAM :
– il arrive au Maroc avec le titre de « Responsable pour les jeunes membres de « l’Ascoral »; en 1951,
– il participe au congrès des CIAM de Hoddesdon avec le groupe GAMMA (Groupes d’Architectes Modernes Marocains) est accepté comme associé des CIAM, groupe qui deviendra le Groupe Marocain des CIAM, dont la naissance se ferait au moment de ce congrès avec la présentation du projet pour le quartier Yacoub El Mansour ;
– au CIAM de juin 1952 à Sigtuna, Candilis est inscrit comme « représentant des jeunes membres » ;
– il fait parti du comité de rédaction d’Architecture d’Aujourd’hui à partir du n° 46 de Janvier 1953;
Il est intéressant de noter que le groupe marocain est largement représenté au CIAM 9 d’Aix en Provence avec 15 architectes qui reprennent la « Charte de l’Habitat », « l’Habitat pour le Plus Grand Nombre », et la « Régional Approach » de Giedion que nous verrons plus loin.
Deux projets sont choisis comme représentatifs de la nouvelle façon de penser:
– le quartier de 25 000 habitants Yacoub el Mansour à Rabat qui a le mérite de présenter de façon didactique les différentes phases de résorption d’un bidonville
– le projet des Carrières Centrales à Casablanca, première application de la trame horizontale 8×8, et de l’habitat musulman vertical.
L’impact de ce dernier projet sur la jeune génération des CIAM conduisit à la rupture un groupe d’architecte composé principalement d’Alison et Peter Smithson, Aldo Van Eyck, Jacob B. Bakema, Georges Candilis, Shadrach Woods, Jerzy Soltan, Gian Carlo di Carlo, J.A. Coderch, qui créèrent le Team Ten de 1954 à 1956 date du 10ème congrès à Dubrovnik.
L’Habitat marocain
En prenant le parallèle à la trame horizontale de 8×8 de M. Ecochard l’ATBAT Afrique va en proposer une mise en pratique verticale. Candilis justifie cette volonté par l’économie du foncier et surtout par la reprise typologique de l’habitat traditionnel marocain des casbahs de terre crue de l’Atlas. On peut voir aussi, comme le propose Jean-Louis Cohen une réticence de la part de Candilis formé à l’École corbuséenne à utiliser une typologie d’habitat gourmande en territoire.
Mais la raison principale viendrait en fait de la demande même faite par Michel Ecochard à l’ATBAT-Afrique. La stratégie de résorption des bidonvilles mise au point par Ecochard comportait trois temps: bidonville recasé, construction horizontale (trame 8×8), et enfin immeubles. Le tissu urbain en immeuble vu comme idéal à atteindre, était celui utilisé directement pour l’habitat européen.
Cette évolution impliquait la maîtrise du foncier pour pouvoir passer par remembrement de la parcelle 8×8 à l’immeuble. Ceci ne fut jamais possible car la pression économique imposait au Gouvernement Chérifien la revente des parcelles et non leurs locations comme le demandait Ecochard. Aussi vers 1951, imagina-t-il de sauter la deuxième étape en passant directement du « baraquement à l’immeuble » en réservant l’effort financier sur la viabilisation du quartier: égouts, espaces verts, circulations, dispensaires, écoles…
Les premières études d’habitations en hauteur adaptées au mode de vie musulman, furent faites par les services d’Ecochard sur la ville nouvelle de Fès en 1951. Ecochard pensait que « cette population plus traditionnellement urbaine s’adapterait aisément à la vie en appartement ».
Il fut donc demandé à différents groupes d’architecte de travailler sur la même voie : l’ATBAT-Afrique pour les Carrières Centrales, Jean Hentsch et André Stuber qui imaginèrent eux aussi un immeuble à patio suspendue, au quartier Sidi-Othman à Casablanca pour le compte du Groupement Foncier Marocain.
L’ATBAT-Afrique propose donc en 1951-52 trois immeubles adaptés à différents mode de vie venant a contrario de la volonté de mixité que Candilis voulu défendre dans un premier temps. En partant de l’observation de l’immeuble où il logeait en compagnie d’autres « français, d’espagnols, d’italiens, de musulmans et juifs », Candilis met au point :
« une structure collective composée de volumes intérieurs identiques pouvant être aménagés facilement et très différemment par les utilisateurs eux mêmes. Et cela pour donner satisfaction aussi bien aux chrétiens qu’aux musulmans et aux juifs » .
Cette mixité à l’intérieur du même immeuble lui ayant été refusé il va finalement proposer trois immeubles différent et ce avec l’aide de S. Woods que Candilis fit venir en fin d’année 1951.
Il publie en Janvier 1953 les résultats de leurs recherches dans le numéro 46 de l’Architecture d’Aujourd’hui . La mise en page de leur article est révélatrice du « nouveau régionalisme » pressenti par Siegfried Giedion vers 1950 . Ils rejoignent en cela le travail de Weiner et Sert en Amérique du Sud qui, dès le Congrès des CIAM de Bergame en 1949, proposent une adaptation des principes de la charte d’Athènes à des besoins locaux . Ces derniers proposent par exemple pour l’extension de la ville de Tumaco un type d’habitat directement repris des maisons traditionnelles dont la construction sur pilotis s’accorde heureusement avec un des principes soutenu par les intégristes du Mouvement Moderne.
Là où en Amérique du Sud les pilotis des maisons traditionnelles se prêtaient facilement à une réinterprétation moderniste on retrouve en Afrique du Nord cette même adaptabilité stylistique avec les cubes blancs minimalistes couverts en toiture terrasse.
L’importance et l’influence du travail de Weiner et Sert sur les membres des CIAM et sur le groupe marocain semble indéniable
Candilis et Woods adoptent dans l’article de l’Architecture d’Aujourd’hui cité plus haut la même présentation avec une mise en parallèle de leurs projets et de l’habitat traditionnel: trois images l’illustrent : un village marocain dans le Haut Atlas, une casbah berbère et un fragment de bidonville. Comme l’a montré J.L. Cohen ce parallèle entre Casbah et projets sera à l’origine du Team Ten via les grilles préparatoires à la Charte de L’habitat prévues pour les CIAM d’Aix en Provence de 1953 et de Dubrovnik de 1956 .
Dans cet article de 1953 Candilis et Woods proposent trois types d’habitat collectif qui se différencient selon leur orientation pour résoudre le problème des bidonvilles. Leur proposition de structure verticale se justifie donc par le fait que 70% de la population des bidonvilles vient du Sud de l’Atlas où leur habitat d’origine est déjà un habitat collectif de casbahs accroché au flanc de la montagne .
Ils décrivent leur logement ainsi:
« Suivant l’éthique et les conditions climatiques, le logement d’une famille marocaine est composé de chambres qui ouvrent sur une cour intérieure, le patio inondé de lumière. Cette cour c’est le véritable foyer, le lieu de séjour de la famille, elle répond à la fonction « se réunir », elle est entourée par des murs hauts qui sauvegardent l’intimité de la vie familiale. Le problème qui s’est posée aux architectes était de trouver une solution en étage où le patio serait aussi inondé de soleil, et permettrait également l’ensoleillement des chambres. C’est la solution de type Sémiramis qui a été adoptée » .
Cette solution dite Sémiramis consiste à une organisation de cellules distribuées par des coursives. Ces cellules s’organisent autour de patios ou cours suspendues décalées de niveau à niveau sur la moitié de la surface avec en coupe verticale un espace libre permettant la ventilation naturelle. Sur la partie à double hauteur on trouve le patio , sur la partie à simple hauteur, les pièces de vie avec cuisine, point d’eau et W-C.
Ce type Sémiramis varie suivant l’orientation.
Le type Sémiramis orienté Est – Ouest
Il est le premier type de logement sur lequel travaille Candilis et Woods, avec la collaboration de Jean-Jacques Honneger et de Marcel Lods. Ce type aurait du servir aussi en métropole pour le groupe des Grandes Terres de Marly le Roi.
Les plans de la cellule sont mise au point en décembre 1951 peu de temps après l’arrivé de Candilis à Casablanca. La composition est règlée sur la trame modulor avec une trame porteuse à 7,72m et une largeur de pièce à 3,66m .
Les patios et les coursives sont alternativement à l’est ou à l’ouest avec superposition verticale sur le tiers central. Cet immeuble comprend 60 cellules de 35m2 et 12 boutiques à R.d.C. Une variante en simple orientation était proposée avec les chambres ouvrant directement sur le patio à double hauteur.
Dans un article de 1954 à la contrainte d’orientation il est rajoutée une contrainte sociologique inspirée par les recherches de spécificité culturelle de l’habitat menées par M. Ecochard . L’immeuble est destinée à une population « plus évoluée, habituée à une application moins stricte des coutumes de l’éthique musulmane » .
En 1955, l’immeuble est destinée à la « population restée la plus attachée à l’éthique musulmane »
On voit donc que de la publication de janvier 1953 à celle de décembre 1954 et à celle de juin 1955 la contrainte d’orientation évolue en contrainte ethnique, avec une inversion d’attribution d’ethnie en 1955 à laquelle il est difficile pour l’instant de donné du sens.
Le type Sémiramis orientation Sud
Un immeuble mono-orienté avec tous les patios au Sud et les coursives toutes regroupées au Nord, donne un immeuble à trois bandes programmatique: Nord/coursives; centre/chambre; Sud/patio avec pièces d’eau.:
» Les logements sont desservis par des passerelles extérieures ouvertes au soleil et au vent pour éviter l’humidité et les microbes. Dans un coin du patio, foyer et installation sanitaire, groupe évier, bac à laver, douches et W-C » .
Cet immeuble est présenté en décembre 1954 comme étant « à la façade absolument aveugle pour la fraction de la population restée très attachée à l’éthique musulmane » .
Il deviendra plus tard dans « Une décennie d’architecture », le type « Nid d’abeilles »
Une légère variante dans le claire-voie du patio permettait d’adapté le bâtiment en un « habitat de type israélite » ce qui apparaît dans l’article de 1955 . Cette cour suspendue semi-fermée devait permettre aux femmes des familles traditionalistes de s’isoler pendant leurs « périodes » .
L’expressionnisme cubiste de la façade relevé par la polychromie du flanc des patios en saillie font que cette immeuble sera le plus publié, servant de couverture à l’Architecture d’Aujourd’hui ou de référence pour les Smithson dans leur article pour Architectural Design
L’immeuble tour
Au centre de la composition des Carrières Centrales, et là, sans orientation précise, apparaît « l’immeuble tour » sur la publication de 1954 . 6 cellules par niveau distribué à R+4 par un escalier central avec au centre de la composition les toilettes puis les pièces de vie et en façade les patios. L’alternance des patios d’un niveau sur l’autre permet là aussi un meilleur ensoleillement.
Cet immeuble tour était destiné à la population la plus proche des modes de vie européen.
Ces essais de logement à typologie sur cour trouveront par la suite leur prolongement dans des projets d’habitations pour le Nicaragua ou pour le logement du personnel des raffineries de pétrole en Iran ;
L’Habitat européen
En parallèle à l’habitat marocain, que ce soit dans le cadre de l’ATBAT où à son propre compte, Candilis travaillait aussi à l’habitat européen . En partant de l’unité d’habitation de Marseille et de l’immeuble de Oscar Niemeyer Maua à Persépolis dont ils reprennent les codes graphiques pour la publication, Candilis et Woods proposent de travailler sur l’immeuble « semi duplex », recherche qu’il dédit à Le Corbusier .
Il propose exactement comme Niemeyer à Persépolis de passer du niveau de la rue à la cellule par des demi-volées.
Cette recherche va conduire à la réalisation à Casablanca pour le compte du CIL d’un immeuble à R+6 destiné à de jeunes ménages et à des célibataires .
Des maquettes meublées très précises des cellules sont présentées dans la publication de Architecture d’Aujourd’hui.
Une variante du semi duplex est l’immeuble « entonnoir » qui tire son nom de la façon dont le soleil pénètre les cellules en plan et en coupe . La coursive est rejetée en façade Nord, un peu plus haut, au centre, le séjour, encore plus haut, en façade sud, les chambres.
Le type Trèfle 1953
Au deuxième semestre de 1953 l’équipe de l’ATBAT s’agrandit et s’internationalise. Au petit noyau de départ constitué par V. Bodiansky, G. Candilis, S. Woods et l’ingénieur H. Piot se rajoutent des architectes qui ont pu rester peu de temps à l’atelier comme Sam Altounian, Gyoji Banshoya, Christine Gandziarek, Juan Gunther, Bride Kennedy, Jean Marcot, Briand Richard et Alexis Josic nouvellement arrivé.
En réponse à un programme d’étude du CSTB et à une réflexion sur l’habitation individuelle en opposition aux plans types du MRU paru en juin de la même année , l’équipe met au point un habitat collectif à rez de chaussée, qui reprend largement en plan et en élévation une étude menée un an plus tôt par Vladimir Bodiansky avec l’architecte P. Aynes; étude publiée dans les cahiers du CSTB . Cette première étude donnait un prix au mètre carré de 17 059 F. avec un F3 de 55m2.
C’est le type Trèfle dont le nom découle de l’organisation constructive avec chaque cellule traversante sur 9m comprenant trois trames :
– la trame des pièces d’eau (entraxe de 2,35m): cuisine/salle de bain/chambre.
– la trame centrale(entraxe de 3,10m): séjour /chambre des parents
– la trame des chambres (entraxe de 2,35m): loggia/chambres/balcon.
Ces maisons individuelles étant mitoyennes la trame à 2,35m des chambres est une trame intermédiaire qui peut être donné soit en totalité soit par moitié à l’une ou l’autre des 2 maisons accolées donnant F3, F4 ou F5, la séparation se faisant sur un placard. Deux variantes sont présentées jouant sur l’épaisseur et l’équipement de la trame des pièces d’eau.
Soit un F3 de 47,25m2 pour 876.650 F, un F4 de 57,25m2 pour 1.029.050 F ou un F5 de 67,25m2 pour 1.137.250 F, en gros le même prix que le projet de P. Aynes.
Cette étude chiffrée doit selon Bodiansky mettre en rapport temporalité de l’habitat et puissance productrice de l’homme en s’adaptant aux conditions économiques des différents pays. La question est toujours celle de « l’habitat pour le plus grand nombre », terme emprunté à Ecochard qui devient avec la Charte de l’Habitat le leitmotiv de l’ATBAT. Prolongeant l’introduction de Bodiansky, Candilis donne les objectifs de la recherche:
« – il s’agit de construire en grande série et partout,
– il s’agit de construire deux fois moins cher qu’à l’ordinaire,
– il s’agit de rester dans la réalité et de faire pour le mieux
– il ne s’agit pas de faire des acrobaties techniques, mais de construire avec les moyens habituels et à bon marché » .
Dans la version publiée dans Technique et Architecture en 1953, la démonstration est appuyée par la force persuasive des dessins de Alexis Josic.
Par la suite la cellule Trèfle est appliquée à l’immeuble avec des appartements desservis par des escaliers extérieurs aux volées parallèles à la façade, qui implique un décalage de un demi-niveau entre deux appartements contiguës. Cette variante sera publiée pour la première fois en 1954 pour un immeuble à Aulnay sous Bois pour le compte de la société Emmaüs; premier projet pour un retour en France. La trame est maintenue à 2,25m/3,00m et le bâtiment est épaissi à 10,80m ce qui nous donne des appartements de F3: 49,20m2 (1.176.810 fr.); F4: 61,43m2 (1.437.050); F5: 71,60m2 (1.712.314m2).
Le type Trèfle sera autrement réalisé principalement en Algérie en 1954 avec 130 logements à la Butte Mirauchaux à Oran, 60 logements à Sidi Bel Abbès (immeuble Ronsard) et en 1955 à Mostaganem puis Mascara et finalement 164 logements au Plateau Mirauchaux à Oran.
Le type Zéta, 1954
Le dernier type d’habitat européen mis au point par l’équipe de L’ATBAT en Afrique du Nord est le type Zéta en 1954. Il reprend la structure tripartite du Type Trèfle avec une trame de chambre (3,20m), une trame de séjour (3,20m) et une trame de pièces d’eau (1,60m) mais le tout sur une épaisseur plus réduite de 7 mètres.
C’est le mode de distribution des logement qui rend la chose possible. L’escalier par demi volée distribue 2 logements par palier. Le décalage de la demi volée a pour conséquence une composition en Z , d’où le nom de Zéta.
Ce type à un défaut il ne permet que la composition de 3 pièces mais il permettra à l’équipe de découvrir les possibilités d’articulation des logements autour de la cage d’escalier qui amèneront au projet pour l’Opération Million.
L’opération des Carrières Centrales eut un tel succès que l’équipe le reproduit quasi tel quel à Oran, avec le même plan-masse: un immeuble à orientation Sud (27 logements de 2 et 3 pièces), un immeuble Est – Ouest (30 logements. de 3 pièces) et un immeuble tour (30 logements de 3 pièces) . Le 2 pièces sortait à 580 000 F. et le 3 pièces à 690 000 F.
La fin du protectorat le 3/03/1956 sonna la fin de l’ATBAT Afrique et de la période de Candilis au Maroc.
L’opération Million, 1954-57
Vers 1955 V. Bodiansky demande à Candilis de revenir à Paris et lui propose la place de Directeur d’ATBAT France en recentrant l’activité sur la technologie:
« La vocation d’ATBAT n’est pas l’architecture, mais la technologie de pointe destinée à nos clients qui sont des architectes. Il n’est pas question de les concurrencer » .
Refusant la proposition Candilis décide de monter sa propre agence avec Josic et Woods entourés au départ de Piot, ingénieur, lui aussi démissionnaire de l’ATBAT, Brunache, jeune architecte et Susuki, japonais envoyé par Le Corbusier. L’équipe s’installe dans un vieux dépôt Boulevard Soult .
Dans le deuxième semestre de 1954 le Ministère de la Construction lance le concours de l’Opération Million ouvert à toutes les équipes associant architectes, entrepreneurs, ingénieurs, industriels, etc…. Il s’agissait dans ce concours d’abaisser le coût d’un logement trois pièce de 1,5 M.F. à 1 M.F.. Candilis retint même dans Bâtir la vie la chose comme la seule contrainte donné par le programme du concours. Cette liberté semblait le satisfaire:
» Ils (les architectes) détenaient donc la liberté de conception, et non l’obligation d’appliquer des normes imposées » .
Dans la réalité était inscrit au concours un programme très stricte d’équipement, d’isolation phonique et thermique, de surfaces, et de conditions techniques bien définies avec un prix plafond de 1,2 M.F. (pour la Seine et la Seine et Oise) pour un appartement de base de trois pièces avec 48 m2 de surface utile avec une tolérance de 5% en plus ou en moins .
On peut même dire que tout était défini: dimensions de l’évier, lavabo, douche, W-C; la salle de séjour: 12m2 mini, chambre, 9m2 avec une ou deux à 7m2 (selon la taille du logement), cuisine entre 5 et 7 m2
Les candidats devaient aussi rendre les dossiers techniques, VRD, cahier des charges, devis descriptif, quantitatif, estimatif et soumissions.
L’enjeu était de taille puisque il s’agissait de permettre la construction de 25000 logements sur l’ensemble du territoire métropolitain ainsi que pour les départements d’Algérie. Pour le département de la Seine on comptait 3000 logements sur 36 lots et pour la Seine et Oise 2500 logements sur 28 lots. Les lauréats pouvaient ainsi obtenir la construction de 1500 logements, grossis du programme LOPOFA (logements populaires familiaux) dont le prix plafond était à 1,4 M.F.:
« les espoirs de l’administration sont d’obtenir une industrialisation du bâtiment à bon marché à grande échelle et de maintenir les prix de constructions à des plafonds bas comparable à ceux de l’Allemagne et de l’Italie » .
500 équipes participèrent et l’on peut citer comme lauréats:
– Hourlier et Gury , 8200 points.
– Lods, Cammas, Zehrfuss, Ricome, Creval, de Mailly, Camelot; 7817 points.
Pour la participation au concours l’équipe Candilis était composé de la façon suivante:
Brunache G. architectes en collaboration pour les Bouches du Rhône avec J.L. Sourdeau, architecte. Puis venaient ensuite inscrits comme collaborateurs: Josic, Woods, Kozlowski, Susuki, Guet, Segura, Xenakis; comme ingénieur: H. Piot; comme entreprises: Ets Quillery, les Menuiseries Françaises, Ets Paul Deux (plomberie). Elle fut déclarée lauréate avec 7785 points.
Le projet est une reprise de la cellule de type trèfle avec l’organisation verticale du type Zéta. C’est à dire que comme sur la cellule trèfle tripartite accolé deux à deux on utilise la trame intermédiaire des chambres pour obtenir des 2 au 5 pièces, par addition ou soustraction. La nouveauté de leur Opération Million est dans l’utilisation de l’escalier comme « élément d’articulation ». La position des plots de cellule tournent autour de la cage d’escalier utilisée comme joint de dilatation.
Candilis fait même de l’escalier un des éléments majeurs dans l’économie de la construction d’immeubles collectifs .
Dans le plan de la cellule l’élément important qui apparaît est ce que les architectes appellent la « double circulation »: une circulation entrée / séjour / chambre des parents et une circulation cuisine / couloir des W-C et Salle de bain / chambre. Comme pour le type Trèfle, les gaines montantes et descendantes sont regroupées pour deux cellules.
L’opération Million permettra à l’agence de construire des milliers d’appartements en France que ce soit pour le compte de la Société d’HLM Emmaüs ou d’autres. La liste des projets en annexe de Une décennie d’architecture nous permet de voir que la production de l’agence est de fin 1955 à fin 1957 de 5230 logements répartis sur 30 opérations dont la plus importante est celle de Bobigny avec 827 logements.
De Bagnols sur Cèze, 1956 à Nîmes, 1961
A Bagnols sur Cèze, projet pour lequel l’équipe recevra en 1960 le prix de l’urbanisme, ils construisent quelques 873 logements, repris du type « Opération Million » et créent de nouveaux type de logements en variation sur le savoir-faire déjà acquis par l’agence. A l’occasion du projet de Bagnols-sur-Cèze Candilis déclare que avec trois type d’immeubles on arrive à créer une ambiance de diversité suffisante.
Dans le type « Escanaux », mis au point à Bagnols sur Cèze en 1957, l’escalier passe de la façade (type Zéta) à l’intérieur de la barre ce qui permet d’agrandir la surface de la cuisine et d’en dégager suffisamment les fenêtres pour ouvrir sur une petite loggia où s’éclaire aussi la salle de bain .
En 1960 toujours à Bagnols dans l’appartement type « fonctionnaire », la salle de bain rejoint le centre de la barre.
La « Tour des célibataires » de 1957 comportent des studios et 2P sur un plan en hélice distribués quatre par quatre par demi-niveau éclairée à chaque fois par au moins deux fenêtres. Cette formule sera reprise par exemple dès 1957 à Bobigny et à Ivry sur Seine en 1959.
Le type dit « Tour l’Évêque » expérimenté à Nîmes en 1958 reprend l’organisation des cellules autour des demi volées d’escalier éclairées par des joints creux . On le retrouve toujours à Nîmes, au Clos d’Orville en 1961 et à Aix en Provence en 1961
I.2. Historique de la conception de la cellule du Mirail
C’est le 31 janvier que Candilis, Josic et Woods sont nommés lauréat du concours pour Toulouse le Mirail. Ce concours était un concours d’urbanisme, aucun plan de cellule n’était demandé au rendu.
Les petits collectifs, 1962/1967
L’année 1962 est consacrée à la mise au point du plan de masse : problèmes de délimitation et de tracé de voiries. En parallèle l’équipe d’architecte travaille sur les plans de petits collectifs de type LOGECO à R+3 dont les plans sont fixés en août 1962 et dont le premier appel d’offre du 14/11/1962 porte sur 256 logements économiques pour le compte de la STEMCO .
Le permis de construire ne sera déposé que le 27 juin de l’année d’après .
Ces petits collectifs ne semblent receler aucun enjeu démonstratif pour Candilis, Josic et Woods au point qu’ils ne figurent même pas dans la publication de « Une décennie d’architecture ». En fait il s’agit d’une variation sur le plan issue des réflexions de l’Opération Million prolongé par la réalisation des logements économiques en accession à la propriété en 1961 à Aix en Provence. On a toujours l’articulation sur la cage d’escalier distribuant 2 logements par palier éclairés en lumière naturel. Les appartements sont tous traversants sur une épaisseur de 8,40m. Les pièces d’eau de 2 appartements sont regroupées autour de la même gaine, composée sur la diagonale de la cage d’escalier.
Les façades sont revêtues de pâte de verre rouge, concession au caractère local.
On peut remarquer que le principal défaut de ce plan tient dans le coin nuit commandé par le séjour et la distance entre la salle de bain et les chambres. Celle-ci est accessible uniquement depuis le séjour.
Mais ces critiques ne figurent pas dans les remarques envoyées dès novembre 1962 par Louis Bourgeois directeur départemental de la Construction.
Celui-ci émet tout de même de nombreuses remarques dont les plus importantes portent sur :
– l’absence de séchoir, de locaux collectifs pour vélos et voitures d’enfants;
– le manque d’ensoleillement des appartements bas placés au Nord
– l’obligation d’un garde corps à 0,90m dans le cas d’une allège d’une hauteur inférieur à 0,45m.
– l’absence d’enduit sur les parois verticales des cuisines
– la disposition du vide ordure dans l’entrée: « où il est prévu, ne présente-t-il pas l’inconvénient de souillures de l’entrée du logement et d’odeurs en un point sensible de l’appartement ».
– l’absence de gaine de télécommunications, de gaines d’amenée d’air frais pour les W-C, les souches de cheminées placées à coté d’obstacles .
Les remarques de Louis Bourgeois seront toutes prises en compte comme le dit Candilis dans une lettre de Janvier 1963 .
Le premier appel d’offre est lancé le 14/11/1962 pour 256 logements avec une réception des offres prévu au 31/12/62 et reportés au 28/01/63.
Au 10/03/1964 les plans sont toujours pour le compte de la STEMCO.
Le 20 mars 1963, les Entreprises sont reconsultées pour abaisser les prix, la maîtrise d’ouvrage demandant à toutes les entreprises de revoir des points précis.
Et c’est finalement le 23/12/63 que Blanchet représentant la SCIC passe une lettre de commande à l’Entreprise De Construction de la Vallée du Lot, (Fumel; Lot et Garonne) pour la réalisation des 256 logements.
Un premier permis de construire est lancé en même temps, le 22/11/1963 par la SCIC, au nom de Léon Paul Leroy agissant pour le compte de la SFCI avec un rectificatif au 3 septembre 1964 sur le nombre de logements qui passe de 304 à 368
On constate que ce dernier permis est délivré sans réelles demandes importantes de modifications si ce n’est quelques réserves concernant des dispositifs d’aération des pièces d’eau, de la cuisine, de l’exécution de conduits de fumé, et dont la mise en oeuvre n’engendre aucune modification distributive de la cellule .
Les bâtiments sont réceptionnés en décembre 1966 et en juin 1967.
L’expérience de ces petits collectifs ne sera pas reproduite ailleurs dans la Z.U.P.
Les grands collectifs, évolution de la cellule dans le projet
Ce sont ces grands collectifs qui constituent le véritable enjeu démonstratif pour les architectes. Ils s’appuient sur la dalle, centre linéaire, version moderne de la « rue », élément indispensable de l’urbanité selon Candilis, Josic et Woods.
Il est difficile de retracer la genèse du plan des cellules.
Tout ce que nous avons pu retrouver est une mention dans une lettre du 28 novembre 1962, de Louis Bourgeois qui dit qu’il formulera des remarques « au sujet du bâtiment semi-duplex type A et B et type entonnoir » dans un bref délai. Ce qui tend à prouver que dès l’année 1962 l’équipe réfléchit à la mise au point des cellules des grands collectifs.
Comme on l’a vu le type entonnoir était la dénomination qui avait été choisi pour les semi duplex mis au point par l’ATBAT-Afrique en 1953.
Le dossier Marché de 1963.
Le premier document sur lequel nous pouvons réellement travailler est le dossier d’appel d’offre de septembre 1963.
En Juillet, Jean Marie Lefèvre, jeune architecte qui vient d’être nommé à la direction de l’agence Candilis Toulouse, explique en réunion les principes généraux de la conception de la cellule. Les principaux points portent sur la composition d’éléments fixes et d’éléments « variables »- « mobiles »; des prestations de second oeuvre variables selon les maîtres d’ouvrages publiques ou privés; une dénivellation de 50 cm.; et enfin l’emploi de techniques nouvelles sont demandées aux entreprises
Au stade de cette réunion, un calendrier optimiste prévoit le début des travaux pour le 2 mai 1964 et l’achèvement pour le 31 décembre 1965 .
Le règlement et le Devis – Programme du concours d’Appel d’Offre en entreprise général est rédigé pendant l’été pour la tranche pilote de Bellefontaine comprenant 1214 logements pour un groupement de maîtres d’ouvrages comprenant L’Office Municipal d’HLM de Toulouse (OPHLM: 382 logements), la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts (SCIC: 528 logements), la Société Coopérative d’HLM de la Haute-Garonne (SCHLM: 232 logements) et l’Association Logeafricoop(72 logements) .
Dans ce document sont décrit les points qui doivent être impérativement respectés par les entreprises :
« -la conception des circulations
-l’emplacement et la distribution des circulations mécaniques
-le principe d’articulation et l’implantation des différents bâtiments
-le principe de décalage des niveaux
-les principes d’ouvertures, utilisant des menuiseries métalliques coulissantes et des volets coulissants
– la distribution des façades » .
Les entreprises devaient rendre leurs offres le 6 Janvier 1964.
Le 26 février 1964 la commission d’analyse des offres déclare le concours infructueux pour un dépassement de prix.
Dès la même réunion, à l’initiative de Bazerque, il est demandé aux architectes afin de réduire le dépassement des coûts de l’opération d’utiliser les rez de chaussée pour y construire des logements et des commerces et de remplacer les portiques par des refends porteurs.
L’ensemble du jury précise d’autre part que la liaison des rues des étages entre immeubles de sociétés différentes n’est pas envisageable pour des difficultés de police d’assurance des immeubles, de répartition des frais de gestion et de responsabilité civile. Les architectes maintiendront jusqu’au bout ce principe des coursives traversant les différentes opérations dont l’utilité était de donner des choix de parcours pour les trajets appartements / écoles ou appartements / commerces. Par la suite ces passages seront murés.
Il était aussi demandé aux architectes de préciser davantage les documents la commission considérant que les entreprises n’avaient pas eut des documents satisfaisant pour pouvoir chiffer .
Il semble donc que soit reprocher à ce stade à l’équipe d’architecte tant un manque de réalisme que de précisions.
Le dossier d’Appel d’offre de 1964
Suite à cette décision, Candilis et Blanchet cadre de la SCIC en travaillant sur les 60 dernières appels d’offres de cette société arrivent à la conclusion qu’il est pratiquement impossible de construire dans les prix plafonds, sauf à rester dans la moyenne de surface de la fourchette donnée par le Ministère, c’est à dire pour un 4P 69m2 (mini 61, maxi 77m2) ce que Candilis considère comme inacceptable:
« 11m2 de loggia indispensables pour une véritable habitabilité des appartements ….il semblerait catastrophique de vouloir diminuer les appartements ».
Les architectes persuadés de pouvoir rentrer dans les prix plafonds en travaillant directement avec une entreprise, propose donc deux alternatives qui ressemble à un ultimatum : « soit le dépassement de surface est acceptée soit on sait par avance que le deuxième appel d’offre sera infructueux, les architectes se dégageant de toutes responsabilités ».
Malgré la violence du propos, l’équipe se remet tout de même au travail et modifie ses plans…
Ce sont les premiers plans que nous ayons pu retrouver. Ils sont datés du 16 et du 18 mars 1964 et appuyés par une lettre non datée de Candilis qui énonce plusieurs propositions d’économies variant selon les maîtres d’ouvrage, HLM ou SCIC . Ces points reprennent la plupart des suggestions de Bazerque de février 64 et sont précisées, vers le début avril 1964, dans une note adressée par les architectes au directeur de l’OPHLM. de Toulouse :
1) à rez de chaussée, pour les HLM trouver des logements en préservant les transparences sur certains lieux et pour la SCIC aménager des magasins. Les pilotis, prévus lors du premier permis de construire qui devaient donc décoller l’ensemble des bâtiments du sol, sont plus ou moins supprimés, éliminant ainsi les déperditions engendrées par les surfaces construites non utilisables et les difficultés techniques onéreuses de la construction de pilotis.
2) Affectation en logement des noeuds triangulaires pour les HLM.
Au niveau de la distribution et de l’organisation des immeubles, des modifications de l’articulation en Y sont étudiées. Destinés à l’origine aux circulations verticales et aux celliers, l’utilisation des surfaces de ces triangles d’articulation sont rationalisées, les surfaces des circulations sont réduites au minimum, des appartements y sont rajoutés.
3) Suppression des séchoirs activés, une des loggias pouvant jouer ce rôle sans que le linge soit visible en façade, grâce au système des volets coulissants.
4) A propos des cellules, une réduction des surfaces habitables est envisagée.
En effet les surfaces habitables des cellules présentées au concours d’appel d’offre sont toutes très proches des surfaces plafonds autorisées, ainsi nous trouvons 76,50 m2 pour un F4, alors que les surfaces maximales sont de 77m2, et les surfaces minimales de 61 m2.
En conséquence, il est envisagé de diminuer les surfaces habitables de l’ordre de 8 à 10% « tout en gardant l’esprit d’ensemble ». Ce qui ramène la surface habitable d’un F4 à 69 m2 habitable, surface correspondant à la surface moyenne HLM autorisée.
L’idée était de diminuer la surface en jouant sur le hors oeuvre, c’est à dire sur les loggias, et ce en touchant le moins possible à la surface habitable, dans une proportion de 15m2 pour les HLM et de 13 pour la SCIC.
Cette diminution de la surface est obtenue par une réduction de l’épaisseur du bâtiment et de la trame d’entraxe des refends qui par la même diminuait les surfaces de façades, volets et rails à traiter et surtout donc les surfaces de loggias.
Par exemple un F4 de 115 m2 descendait à 101 m2, soit une réduction de 12%.
Ces modifications de surface ne se font pas sans des récriminations de Candilis :
« si le Ministère accepte une dérogation pour la réalisation pilote de la Z.U.P. du Mirail, nous maintenons des surfaces donnant la meilleure habitabilité… nous sommes convaincus que la surface souhaitable d’un appartement de 4 pièces doit être de 77m2 et non de 69m2 ».
5) Les équipements des cellules sont aussi simplifiés. L’appel d’offres ayant eu pour résultat un dépassement des prix des menuiseries extérieures de 100% par rapport aux prix habituels HLM. La diminution des surfaces des loggias permet une économie sur ce poste. Les dimensions des châssis sont réduites et des surfaces vitrées sont supprimées.
6) Pour réaliser d’autres économies, une simplification des structures des cellules est étudiée afin de permettre une meilleure standardisation des outils de construction et de faciliter la préfabrication. Deux nouvelles cellules sont alors présentées, une « conçue pour une standardisation et une préfabrication souhaitable, l’autre pour une technique traditionnelle ».
Il semblerait que la solution finalement retenue fasse un compromis entre ces deux principes constructifs.
Le 5 mai 1964 G. Candilis envoie le dossier d’appel d’offres remanié en fonction de ces différentes remarques auquels il rajoute d’autres points, très précis, lot par lot, pouvant entraîner des économies.
Le premier point porte sur une nouvelle répartition des appartements avec un nombre plus important de deux pièces au dépend des trois pièces
Viennent ensuite toute une série de modifications apportées par rapport au premier descriptif d’août/septembre 1963 dont le caractère d’économies n’est parfois pas évident. Nous donnons ici le détail des modifications uniquement pour les lots gros oeuvre, menuiseries bois et menuiseries métalliques :
Pour le lot 1, gros oeuvre:
-la récupération de l’espace des pilotis à rez-de-chaussée oblige à la création d’un vide sanitaire;
– la liberté sur la constitution des séparatifs donnés au premier descriptif est changé pour l’obligation de maçonnerie lourde en voile de béton armé pour les séparatifs et de maçonnerie légère dans les logements;
– on demande un coffrage soigné pour toutes les parties communes, cages d’escalier, cages d’ascenseurs, séparatifs, garde-corps, escaliers;
– suppression d’un avertissement figurant dans le premier descriptif demandant de respecter impérativement la hauteur des bâtiments
– augmentation de l’épaisseur d’isolation notamment au droit des loggias du 1er étage
– pour les murs pignons la solution du premier descriptif, « murs pignons porteurs en béton banché », est remplacée par des « murs pignons remplissage en parpaings de ciment creux ».
– rajout d’un article sur le « doublage des murs extérieurs » afin d’éviter les ponts thermiques importants, entre les têtes des poteaux et les murs en contact avec l’extérieur (loggias). On demande à ce qu’il soit extérieurement revêtu d’un habillage en briques creuses de 0,04 d’épaisseur.
– demande de un conduit de fumée supplémentaire à prévoir par logement, d’une épaisseur de 18cm, avec une trappe de ramonage des shunts impérativement en dehors des logements.
– demande que les cloisons dans les cuisines et salles d’eau soient en briques plâtrières et des cloisons préfabriquées dans les autre pièces.
Pour le lot 3, menuiseries bois, on assiste là aussi à une baisse des prestations:
– diminution des hauteurs de penderie dans les placards de rangement, 1,30m au lieu de 2,50m
– les portes coulissantes du séjour sont à réduire: au départ prévues à 2×2,10m. elles sont à diminuer à 2,5x 1,75m.
– les boîtes à lettres prévues en Plexiglas sont à prévoir en chêne
– les huisseries des blocs portes initialement prévues métalliques sont à prévoir en sipo et leur dimensions sont systématiquement diminués: les portes palières passe de 0,9 à 0,8, les portes sur loggias de 0,7 à 0,6 (ces portes seront supprimés par la suite), les portes des chambres et des séjours de 0,8 à 0,7, et celle des débarras de 0,7 à 0,6 m.
Pour le lot 4, menuiseries métalliques, les dimensions sont diminuées : le châssis entièrement vitré du séjour et de la chambre parents passent de 3,6×2,5 m à 2,95×1,5, les châssis partiellement vitrés des cuisines et des chambres passent tous de 3×1,50 à 2,95×1,5
Le premier juin, la commission composée des membres de l’administration et de promoteurs se réunit à Paris pour analyser les propositions de modifications faites par Candilis. Elle donne de nouvelles remarques portant principalement sur les problèmes de ventilation:
– refus de la suppression du deuxième conduit de fumée dans les bâtiments supérieurs R+8 qui entraîne une dérogation au Règlement Sanitaire. L’administration demande donc de prévoir un conduit supplémentaire
– nouvelle demande de prévision de ventilation dans les logements à simple orientation, en conformité avec l’arrêté ministériel de 14/11/1958
– demande de changer la dimension des vitres et des coulissants en conformité avec la norme D.T.U. Avril 1953 N°39.5
– demande de supprimer les vidoirs dans les cuisines du 1er étage au profit de vidoirs communs sur le palier
Elle rajoute aussi quelques remarques concernant les usages :
– « L’administration et les promoteurs désireraient être mieux informés de l’utilisation des espaces prévus pour les jeux et les devoirs des enfants. »
– refuse les baies libres prévues entre les chambres et le séjour des appartements 2P et demande la pose de portes ou de baies coulissantes
– demande de prévoir la pose de panneaux de 2m dans tous les séjours en vu de créer d’office » l’emplacement d’un buffet de salle à manger »…
– demande de prévoir la pose de garde-corps dans les dénivellations entre les deux parties séjours…
Candilis réagit rapidement. Trois jours plus tard il envoie un nouveau dossier d’appel d’offres avec un additif au descriptif.
Il faut faire vite, en Juillet (23/07) les dossiers sont envoyés aux entreprises et l’ouverture des plis est prévue au mois de septembre.
Quatre entreprises sont consultées dont deux nouvelles: la Société des Grands Travaux de Marseille, l’Étude Constructions et Entreprises, la Construction Moderne Française, l’Entreprise Charasse
Après ouverture des plis la SGTM (Société des Grands Travaux de Marseille) apparaît comme la moins disante bien que nettement au dessus du prix plafond HLM.
Selon l’arrêté préfectoral du 13/10/1963 qui fixe les prix plafonds HLM, le prix pour l’ensemble de l’opération devait se monter à 35 944 700 F. La SGTM ayant répondu à 48 323 621 F. elle restait à 34 % au dessus du prix plafond.
Candilis ne perd pas courage. Pour lui la solution consiste à sortir du cadre des normes et des limites H.L.M. pour rentrer dans le cadre de la construction privée. Il cite la circulaire N°64-24 du 17/04/1964: « Instructions techniques des dossiers de projets de construction privée faisant appel à l’aide de l’État », le prix à avoir dans ce cas là étant de 49.000.000 (Maximum 59.000.000), ce qui signifie qu’il faut nécessairement avoir 11.000.000 F de différence entre HLM et constructions privées pour les mêmes prestations…
Après analyse le dépassement était principalement dû aux lots :
– l’étanchéité du fait de la dimension des coursives,
– revêtement de sol puisqu’on était à 15% au dessus des normes minimales HLM
– lot serrurerie persienne: du fait des volets coulissants prévus partout
– lot peinture vitrerie: la surface vitrée étant importante
– lot menuiseries intérieures: bien que dans les normes H.L.M., l’enveloppe prévue est élevée parce que les matériaux initialement exigés sont nobles, et qu’un effort particulier est demandé aux entreprises pour tout ce qui concerne les éléments de mobiliers: penderies, placards…
Malgré un dépassement de prix de près de 12 million, Candilis signalait en plus que les modifications apportés par la SGTM sur tout le second oeuvre allait essentiellement vers une baisse de qualité.
C’est donc en septembre 1964 que le deuxième appel d’offre fut jugé, lui aussi, infructueux.
Le dossier marché de 1965
Le 8 octobre 1964, on procède à une nouvelle répartition des logements entre les maîtres d’ouvrages.
On décide de n’interroger en marché négocié que deux entreprises SGTM et ECE, qui étaient les moins disantes de l’appel d’offre de 1964.
Les retards s’accumulent, le dossier d’appel d’offre qui était finalisé au début de février 1965 ne fut distribué aux entreprises qu’en mars. Celles-ci arguant d’un nouveau métré dû à la nouvelle répartition entre les maîtres d’ouvrage ne demandèrent un délai supplémentaire et ne rendirent leurs offres qu’en avril 1965.
Le 13 avril Candilis remet son rapport de dépouillement des offres.
SGTM est la moins disante à 54.030.881 F. et ECE. avec 56.590.909 F. se place à plus de deux millions au dessus.
Dans son rapport G. Candilis émet deux réserves quant aux solutions techniques proposées par cette entreprise:
Les panneaux ISOSTA remplacés par de la maçonnerie pour les maîtres d’ouvrages publiques ne permet qu’une très faible économie comparé à l’affaiblissement du projet : « cette solution gâche complètement le principe de la cellule. »
Autre point, les menuiseries, lot primordial dans ce projet, n’ont pas été suffisamment traitées par les deux entreprises.
Pour pouvoir s’assurer de la conformité aux prescriptions il demande aux entreprises de fournir impérativement des prototypes de menuiseries.
Enfin, Candilis conclue ironiquement son rapport sur le fait qu’en refaisant une consultation, les maîtres d’ouvrages n’auraient finalement bénéficié que d’une économie de 1% par rapport aux prix fournis précédemment, alors que dans le même temps les prix ont bien plus fortement augmenté de octobre 1964 à avril 1965.
Le 25 mai 1965, l’entreprise SGTM est finalement désignée pour la construction du quartier pilote. Les maîtres d’ouvrages privés, SCIC et Logeafricoop, semblent bien décidé à construire.
Le plus hésitant est l’OPHLM. Le prix plafond de construction exigé pour un marché de gré à gré pour les 451 logements serait de 12.411.315 F et le chiffrage donné par les SGTM s’élevait, compris les dépenses d’honoraires, de chauffage, de chantier à 18.694.897 F soit un dépassement de plus de six millions.
D’après l’OPHLM le problème de cette opération résidait dans le fait que beaucoup de travaux étaient classés hors prix plafond, comme les rues aux étages, les passages à rez-de-chaussée.
Le dépassement, par conséquent beaucoup trop fort, ne leur semblait pas rattrapable même avec des loyers plus hauts. Seule une dérogation auprès du Ministère de la Construction aurait pu les autoriser à emprunter 40% du prêt principal et non 30 % comme le prévoyait la loi.
Nous ne savons pas si le Ministère accorda une dérogation ou si une autre solution fut trouvée mais les travaux démarrèrent la même année en commençant par 382 logements pour la SCHLM qui furent livrés en réception provisoire en décembre 1967.
Il aura donc fallu trois appels d’offres sur trois années d’attente pour voir enfin sortir de terre le premier « grands collectifs ».
On a vu au cours de ces trois années comment l’équipe d’architecte a lutté pour que même si les prestations diminuaient, l’esprit d’origine du projet de l’immeuble à la cellule soit maintenu.
I.3. La cellule chez Candilis, Josic et Woods
Cet historique de la cité radieuse à la réalisation des grands collectifs du quartier Bellefontaine nous permet de faire ressortir les principaux thèmes et dispositifs explorés par les architectes pour enrichir le « logement pour tous ». Comment les thèmes imaginer dans les années cinquante sont utilisés au Mirail et comment ces thèmes se confrontent à la règlementation?
La critique du règlement dans la conception du logement
« Bien sûr, toutes les normes réglementant la construction des HLM se retrouvent dans cet appartement au point de vue des surfaces des chambres, du séjour, de la cuisine, des volumes de rangement, au point de vue de l’équipement électrique, sanitaire, du chauffage » .
L’homme lutte pour son habitat, Corbusier lutte, Candilis Josic et Woods eux aussi sont en « guerre ».
« Les solutions proposées et réalisées aujourd’hui, aussi bonnes soient-elles sont caractérisées par un conformisme stérile. Sous la discipline des normes et des règlements existants, toutes les possibilités ont été explorées et les astuces trouvées: pourtant, pour un très grand nombre de familles, le problème du logement reste entier; la conception courante des plans ne correspond ni à leur façon de vivre, ni à leurs moyens économiques. Les demi-mesures: amélioration ou diminution des normes existantes conduisent à l’impasse. Sans écarter les résultats acquis, lesquels ont fourni la solution à certains problèmes, il apparaît indispensable d’aller plus loin. Si l’on s’arrêtait à mi chemin, d’autres problèmes flagrants et graves resteraient à résoudre ».
Cette lutte des architectes contre la normalisation vise les normes de prix, de surface et d’équipement.
Dans la normalisation des prix du logement les architectes comprennent tant les normes sur le prix à la construction, à la location ou à la vente que les systèmes des prêts bancaires qui impose d’après eux une validité du logement à 50 ans : « c’est un non sens, c’est du gaspillage, c’est la décadence, la sclérose » .
En comparant les prix de construction d’un immeuble ou d’un quartier avec ceux de la construction des biens de consommation courante ou ceux de l’armement militaire, les architectes remettent en cause les choix de société, avec par exemple: Sarcelles, (9000 logements) 300 M.F. / Paquebot France: 300 M.F. / Porte avion Clémenceau 700 M.F. / Bagnols sur Cèze 50 M.F. / Brasilia 2,5 milliard / Engins intercontinentaux américains 50 milliard etc…….
Le Mirail, bien qu’opération pilote au plan de l’urbanisme n’a pas échappé au « carcan » des crédits HLM, d’où une suite de réduction analysé au chapitre précédent.
« Les normes spatiales »
« Cette famille type était composé d’un père, d’une mère et de deux enfants. A partir de là, on déterminait un logement type, schématisant la vie quotidienne. Il devait comporter un séjour, deux chambres, une salle de bain et une cuisine. Ensuite on définissait les normes dimensionnelles: 12 m2 pour le séjour, 9 m2 pour la chambre, 5 m2 pour la salle de bain et 6 m2 pour la cuisine. Les fenêtres devaient représenter le sixième de la surface. Et on chiffrait les besoins types répétitifs. Dix mille familles nécessitaient dix mille logements, exactement semblables, avec le nombre correspondants d’éléments standards habillant la construction: portes, fenêtres, placards, planchers…. » (Bâtir la vie p. 159)
La principale critique sur la réglementation de surface porte sur la classification par nombres de pièces plutôt que par nombre d’habitants :
« Définir les surfaces suivant les normes biologiques du nombre maximum de personnes qui peuvent y habiter par opposition au système arbitraire des normes basées sur un nombre de pièces (F2, F3, F4, F5) ».
La réglementation sur les surfaces habitables de 1962 reprenant celle de 1950 mettait en marge du calcul, bien sur, les porteurs, gaines, trémies etc., mais aussi les terrasses et vérandas ce qui va permettre aux architectes de sortir la loggia de leur calcul.
“ Les conditions des réalisations importantes de l’après guerre, tant au point de vue Reconstruction que Construction, ont imposé des disciplines économiques rigides et strictes.
Des normes de surfaces, des prix-plafonds, des règlements de construction et d’équipement applicables au HLM et aux LOGECO ont obligé les architectes à rechercher à l’intérieur de cette discipline étouffante, des solutions économiques et techniques de plus en plus astucieuses et utilisant les moindres possibilités permises par les donnés.
Cette nécessité de recherche à provoquer une émulation, laquelle à favoriser la naissance de solutions nouvelles, inattendues et souvent réussies”.
Au niveau des surfaces habitables, les appartements types du quartier pilote de Bellefontaine présentent dès le premier permis de construire et ce jusqu’au troisième appel d’offres des surfaces se situant au plafond maximum des surfaces autorisées. Le T 3 dépasse même la limite réglementaire supérieure.
Nous donnons aussi pour mémoire les surfaces de la Cité Radieuse .
Tableau des surfaces habitables
Établi à partir du « catalogue des cellules » du 10.09.1963
Nombre de pièces Bellefontaine Marseille S. locatives
Min/Max
1P 32m2 32m2 26/33m2T1bis
2P 43m2 59m2 39/50m2
3P 66m2 70m2 51/63m2
4P 76m2 98m2 61/78m2
5P 87m2 ? 73/93m2
6P 102m2 136m2 85/110m2
Les dépassements de surface que Le Corbusier avait pu obtenir à la Cité Radieuse est du à son caractère expérimental, dérogation que Candilis n’arrive pas à obtenir de la part du ministère pour la réalisation de Bellefontaine.
De la même façon les surfaces hors œuvres nettes s’élèvent à plus de 10% au dessus des surfaces réglementées. Ce sont les loggias, éléments très importants dans la conception des logements de l’agence G. Candilis, qui conduisent à ce dépassement de surface.
Les surfaces habitables et hors œuvres maximales par rapport à la réglementation, étaient considérées comme un élément d’habitabilité prédominant par les architectes. Elles deviendront rapidement un des enjeux principaux dans la faisabilité du projet comme nous l’évoquerons plus loin.
En 1967, leur bilan pour le Mirail est mitigé
« Malgré la surface relativement généreuse il faut bien avouer qu’il leur manque les quelques mètres carrés qui auraient permis aux architectes d’exprimer totalement leur conception : assurer des conditions de vie plus large ».
Les normes d’équipement font aussi l’objet de critiques. Elles sont vécues comme un labyrinthe administratif.
« salle d’eau avec bidet pour la catégorie B, sans bidet pour la catégorie A. Fenêtre avec persiennes pour les uns sans persienne pour les autres. Possibilité de mettre une machine à laver pour telle catégorie et un frigidaire pour une autre etc, etc… sans fin. »
Mais les architectes, comme ils le notent dans la lettre dactylographiée présentant l’appartement témoin lors de la XVII° quinzaine des Arts ménagers à Toulouse en 1964 « ont voulu donner quelque chose en plus. »
Parmi les équipements la ventilation est un des points important. En juin 1966, Léon Bourgeois confirme au directeur de l’OPHLM de la Haute Garonne que l’opération des 3000 logements pourra se faire en utilisant une ventilation mécanique contrôlée en remplacement de la ventilation statique par conduits unitaires. L. Bourgeois y voit comme avantage de grouper les ventilations en une seule gaine supprimant ainsi tous les conduits isolés d’où un léger gain de surfaces habitables visibles sur les plans de décembre 1966.
» La législation actuelle ne prévoit pas encore cette technique, pour cette raison, j’ai demandé à mon Administration Centrale, s’il ne serait pas possible de donner une autorisation à titre expérimental » .
Point qui fut finalement accepté.
Le plan : structure, partition et distribution
Un des éléments atypiques des appartements du quartier pilote de Bellefontaine par rapport à la production banale du logement social de cette période a trait à son organisation spatiale traversante, dont le caractère est renforcé par la structure porteuse, perpendiculaire aux façades.
Cette structure s’organise selon une trame répétitive ABCBA entre deux cages d’escalier; trames ayant pour entraxes, les dimensions suivantes: A= 3,20m; B= 3,80m; C= 2,60m.
L’immeuble avec ses murs de refend transversaux devient « épais », et permet, selon les architectes, d’offrir un maximum de surface au logement avec économie, en réduisant au minimum le linéaire de façade. Ainsi les premières séries d’appartements – types de l’opération de Bellefontaine, celles de 1963, sont projetées pour des immeubles de 14 mètres d’épaisseur.
Si ce travail sur la structure porteuse de l’immeuble du Mirail de G. Candilis, A. Josic et S. Woods s’inscrit dans un processus en cours d’évolution de l’organisation du logement collectif contemporain, -processus mis à jour et décrit par Ch. Moley -, il n’en demeure pas moins particulier, dans la mesure où il n’établit pas strictement le principe d’une bipartition fonctionnaliste « jour/nuit » de l’appartement, avec chambres et pièces d’eau regroupées et nettement séparés de la pièce de séjour et de la cuisine.
Au contraire, la structure à trois trames perpendiculaires aux façades pour un appartement de trois ou quatre pièces principales ainsi que la différence de niveaux, engendrent une partition plus complexe de l’espace domestique.
La bande centrale, rendue traversante par une cloison mobile, contenant séjour, loggias et chambre des parents, devient un espace où les activités familiales et individuelles se superposent, où les fonctions « s’isoler » et de « se réunir » , pour reprendre les termes des trois architectes, devient difficilement compatibles. (Notons que le manque d’intimité de la chambre des parents est « presque unanimement constaté » par les visiteurs à l’occasion de la présentation de l’appartement témoin lors de l’exposition des Arts Ménagers en octobre 1964 à Toulouse ).
Dans les « bandes latérales » sont regroupées les chambres d’enfants et les pièces de services. Dans la trame la plus étroite, nous retrouvons deux chambres et des rangements en partie centrale, dans celle contiguë à la cage d’escalier, disposé de part et d’autre de celle-ci, la cuisine et les pièces d’eau et enfin une chambre.
Les différences de niveaux de la cellule du Mirail permettent d’assurer une bipartition du logement, une division entre les pièces de réception et les pièces d’intimité. Ce sont ces deux niveaux qui garantissent, en fin de compte la séparation des « fonctions de base se réunir et s’isoler ».
« Se réunir, s’isoler » et entre les deux
« En Afrique, au Pôle Nord, à New York ou en France, la notion : « habiter » se décompose toujours en deux fonctions : se réunir et s’isoler. De plus, les services sont les mêmes partout et toujours : éléments déterminés ».
Dès 1953 apparaît la volonté de composé le logement autour ces « deux fonctions principales: se réunir et s’isoler ». Plusieurs dispositifs spatiaux ou techniques permettent d’atteindre ce but : la flexibilité autour des éléments déterminés et indéterminés, le semi-duplex, la double circulation.
Au Mirail les deux fonctions « se réunir et s’isoler » sont précisées en 1964 à l’occasion de la présentation de la cellule témoin de cinq pièces, à la « Quinzaine des Arts Ménagers de Toulouse » . Les architectes joignent un petit plan explicatif de leur parti où l’on voit deux parties grisées :
– « la vie commune » qui comprend entrée / cuisine / séjour / loggia et chambre.
-« la vie privée » qui comprend 3 chambres organisées autour de la loggia salle d’eau et rangement.`
Entre vie privée et vie commune à l’endroit où les trames grisées se superposent on trouve ce que les architectes appellent la « pièce rotule » ou « l’espace pivot » qui est le lieu qui « manquent dans presque tous les logements où les enfants peuvent jouer, la femme travailler et qui sépare la partie jour (espace commun) de la partie soir (espace privée), un système de cloisons pouvant prolonger ou isoler, selon l’heure l’un ou l’autre espace » ce qui nous renvoie à la flexibilité :
« C’est la charnière entre la partie publique, là où l’on vit ensemble, et la partie privée, là où on a besoin d’intimité. C’est l’endroit où la femme peut travailler sans mettre en désordre la pièce où elle peut être amenée à recevoir une visite impromptue. En fermant la grande porte coulissante de la chambre des parents, le séjour s’agrandit de ce volume. En tirant un rideau entre plate-forme et le séjour, l’espace des chambres prend une ampleur nouvelle » .
Cette recherche de la « pièce en plus » polyfonctionnelle existait déjà dans l’immeuble ACJ semi-duplex de 1953 où la rue intérieur dessert d’un coté un appartement traversant et de l’autre un petit studio avec cuisine, salle d’eau et balcon : « Cette solution permet d’abriter des ascendants ou de grands enfants vivant ainsi, indépendants, auprès de leurs famille » .
Lors de la présentation de l’appartement témoin cet espace est jugé sévèrement par les visiteurs :
« pas de jour direct pour que la femme puisse y travailler, les enfants n’y resteront pas, de plus cet espace est avant tout un lieu de passage; si un enfant y installe un jeu quelconque, chemin de fer par exemple, il faudra enjamber son terrain de jeu et déranger l’enfant ce qui soulèvera bien des disputes. Cet espace polyvalent est mieux accepté comme agrandissement du séjour et avec la différence de niveau comme élément décoratif, originalité, bien souvent on est « pour » sans raison réelle, simplement parce que c’est nouveau agréable à l’oeil, que ça plaît ».
En écho à ce thème on peut citer les réponses des architectes aux questions du sociologue Chombart de Lauwe, en 1960, où apparaissent clairement des consensus et des dissensions .
Les personnes interrogées sont Perriand, Bataille, Debaecker, Ecochard, Hermant, Le Corbusier, Lods, Pingusson, Prieur, Wogenscky et Zehrfuss. Candilis n’ont donc pas participé à ce travail mais ont eu maintes fois l’occasion de se prononcer sur les thèmes vus par Chombart de Lauwe.
Si l’on analyse les schémas présentés à Chombart de Lauwe par les architectes, la bipartition est de rigueur. Elle s’établit entre jour/nuit (Zehrfuss, Prieur), parents/enfants (Wogenscky); cellules individuelles/cellules communes (Perriand). Seuls Lods et Pingusson renvoient à une tripartition entre vie intime/vie en commun/service.
L’évolutivité ou la flexibilité de la cellule
Candilis, Josic et Woods ont dès 1953 la volonté de donner à leur cellule la possibilité d’adaptation à l’habitant, problématique partagée par d’autre comme Claude Parent et Yonel Schein . L’architecte doit jouer du paradoxe d’une bonne définition de l’habitat tout en laissant le maximum de liberté à l’occupant:
« Il est impossible que chaque homme construise son logis. Deux tendances peuvent apparaître dans l’architecture de l’habitat: l’architecte définit le logis jusqu’au moindre détail. L’homme s’adapte au milieu qui lui a été créé. L’architecte s’efface volontairement. L’homme adapte son milieu à ses besoins. L’architecte lui assure la liberté et la possibilité de faire ».
ou encore :
……L’homme peut devenir architecte chez lui »
plus tard :
« l’architecte doit à un moment s’arrêter et laisser la place à son client qui, lui mieux que personne, peut définir la forme qui lui convient, le logis où il se sent chez lui, son logis à lui le logis humain ».
Ce leitmotiv poursuivit Candilis pendant toute sa carrière, du projet pour les gitans à Avignon jusqu’à la conclusion de ses mémoires où l’inutilité de l’architecte dans la construction d’un quartier au Pérou est donnée comme vision idéale.
La réflexion menée avec Ecochard et Bodiansky sur la Charte de l’habitat avait donné comme principale conclusion que la validité de l’habitat s’établissait sur la courte durée imposant donc une cellule à caractère évolutif pour pouvoir s’adapter à la vie de la famille: un couple se forme, un enfant naît, puis un second, les enfants, grandissent, quittent les parents, qui se retrouvent âgées à deux, puis seul.
La flexibilité doit permettre l’adaptation tant a cette famille type qu’à tous les cas particuliers. La recherche menée avec l’ATBAT au Maroc où standardisation et adaptation aux différents milieux culturels relèvent ainsi de ce même souci de répondre de la façon la plus précise qu’il soit tout en s’adressant au « grand nombre ».
Le logement ne doit plus se compter en nombre de pièces mais en nombre d’habitants, d’ailleurs les principales solutions proposées pour l’évolutivité abandonnent l’idée de pièces.
En 1959, apparaît l’idée que l’évolutivité se fait autour des « éléments déterminés et indéterminés » ; proposition théorique de Candilis, Josic et Woods qui s’appuie sur leur interprétation des acquis du Team Ten, en rupture avec les CIAM :
« – inter-relation des fonctions habiter, travailler, cultiver le corps et l’esprit, circuler.
– contraste entre la continuité des valeurs réelles et permanentes et la mobilité: changement, addition, améliorations continuelles
– importance de la structure spirituelle des formes (cluster) qui exprime brutalement le but à obtenir.
Ces notions assez confuses pour le moment, se trouvent en plein développement et influenceront, tôt ou tard, la conception architecturale actuelle. »
Les éléments déterminés consistent pour les architectes en isolation thermique et phonique; étanchéité; alimentation en eau, gaz, électricité; les évacuations; éclairement, ensoleillement, aération, chauffage et équipement sanitaire.
Ils peuvent et doivent faire l’objet d’une réglementation particulière.
Les éléments indéterminés quand à eux consistent en des notions plus flous : l’organisation des espaces; la séparation des fonctions; l’interpénétration de l’espace intérieur et extérieur; la conception spirituelle et plastique; les changements, additions, améliorations.
Ces éléments indéterminés ne doivent pas être réglementés ou normalisés mais laissés à l’appréciation de l’architecte qui les manipulent en fonction des données matérielles (économie technique, urgence et durée); géographiques et climatiques ou sociales et spirituelles et si possible en fonction des volontés de son client.
Les dispositifs permettant cette flexibilité sont de plusieurs ordres:
– En reprenant le traditionnel rapport anthropomorphique immeuble/homme il propose d’établir une « colonne vertébrale » sur le bâtiment comportant tous les éléments fixes sur lesquelles viennent se raccrocher des plateaux libres, flexibles, selon les besoins des familles.
– ces plateaux libres pouvant se redécouper, être aménagés avec des éléments usinés, standardisés.
– le mobilier pour partitionner la cellule, avec par exemple en 1953 dans la cellule trèfle » l’utilisation d’une cloison placard, basse ou haute, mobile ou fixe suivant les besoins et les désirs des habitants ». Sur les nombreux croquis perspectifs dessinés par Josic l’on voit souvent cette cloison mobile symbolisé par un simple rideau, dans les représentations en plan par un trait en accordéon.
En 1959, il présente un projet de logement évolutif avec un immeuble de 4 appartement par niveau distribués par une cage d’escalier central où les pièces d’eau des appartements sont accolés deux à deux permettant ainsi de limiter le nombre de gaine et de dégager un plateau libre de 6mx6m. Au centre de cet espace un poteau sur lequel peuvent se raccrocher les cloisonnements offrant une possibilité de partition de 4 pièces de 9 m2.
La démonstration est faite à l’échelle de la cellule puis de l’immeuble et du quartier.
Au Mirail, les cloisons mobiles permettent de modifier l’espace traversant, loggia/séjour/chambre des parents/loggias ou en latéral la jonction séjour/chambre. Flexibilité dont l’originalité séduira et ce malgré le défaut souvent reprocher du manque d’intimité entre le séjour et la chambre des parents.
Mais les économies à réaliser suite aux différents appels d’offre infructueux obligeront les architectes à changer un point majeur concernant la flexibilité. La structure de départ était en poteaux poutre avec remplissage brique couverte de plâtre qui permettait à tout moment de reprendre la tripartition dans le sens longitudinal de la cellule. L’entreprise lauréate pour la construction du Mirail proposa pour diminuer les coûts le passage à un tout béton avec des refends à 18 centimètres qui condamnèrent toutes velléités de changement de la cellule en longitudinal.
Organisation verticale du logement: le semi duplex
La mise au point du dispositif spatial « semi-duplex » a donc comme principal objectif la séparation se réunir/s’isoler.
Il trouve son origine dans la critique de l’unité d’habitation de Le Corbusier à Marseille comme le revendiquent G. Candilis et S. Woods dans un article en 1953 de l’Architecture d’aujourd’hui qui ouvre la série d’une centaine d’article des architectes, il est intitulé: « Problème d’habitat européen hors de la métropole, étude théorique de l’immeuble semi-duplex » .
L’article est construit sur plusieurs temps, un temps critique de reconnaissance du problème, un temps de proposition théorique et ensuite une ou plusieurs propositions pratiques réalisées ou non. Cette construction démonstrative sera par la suite appliquée quasi systématiquement.
C’est en 1952 que l’Architecture d’Aujourd’hui dans un numéro spécial sur le Brésil, publie la recherche d’Oscar Niemeyer sur l’édifice d’habitation « Maua » où il utilise le semi-duplex. Tous les 2 niveaux un couloir de circulation excentré vers l’arrière du bâtiment dessert les appartements par l’intermédiaire d’une demi-volée d’escalier; les « blocs sanitaires » sont groupés au centre de l’immeuble, ce qui permet de dégager au maximum les façades :
» L’adoption de ces deux solutions: galeries de circulation intérieures et services sanitaires groupées permet d’ouvrir toutes les pièces d’habitation en façade, leur assurant ainsi le meilleur ensoleillement et la vue la plus dégagée sur un horizon unique de montagnes et de vallées que transforment sans cesse les couleurs changeantes »
Quelques mois plus tard, Candilis et Woods proposent leur version de l’immeuble semi-duplex en s’appuyant sur l’unité d’habitation et sur le l’immeuble Maua. Leur solution est en fait le croisement de l’un et de l’autre : il revienne à un couloir de distribution centrale distribuant les appartement tous les 3 niveaux, ou plutôt tous les 6 demi-niveaux tout en conservant la même épaisseur d’immeuble que Le Corbusier.
Une recherche d’économie, à laquelle s’ajoute la recherche d’une habitabilité verticale moins astreignante des appartements, conduit les deux architectes à développer la notion d’immeuble « semi-duplex » où seul un demi-niveau divise la distribution et le plan de la cellule. Les défauts distributifs dû à la double hauteur des appartements de l’Unité d’habitation de Le Corbusier sont ainsi supprimés tout en conservant les avantages de la double orientation, du minimum de surfaces de desserte, groupement des pièces humides etc….
La première mise en application se fait dès 1953 dans un immeuble pour jeunes ménages et célibataires où la rue de desserte est effectivement placée tous les 6 demi-niveaux mais décalé alternativement par rapport au centre de l’immeuble soit une solution plus proche de l’immeuble Maua .
Un autre immeuble de 1953 au Maroc est composé avec différence de niveau c’est « l’immeuble entonnoir » fait là aussi par l’ATBAT-Afrique sous le contrôle de V. Bodiansky, G. Candilis, S. Woods architectes et H. Piot ingénieur.
C’est celui qui aurait servi de modèle pour les cellules de Bellefontaine.
La coupe de l’immeuble s’organise sur plusieurs niveaux: un niveau de coursive, 4 marches, la pièce de vie et la cuisine, 5 marches, les chambres et sanitaires et enfin la loggia soit une épaisseur totale d’immeuble d’environ dix mètre.
Ils n’auront pas l’occasion d’expérimenter souvent le semi-duplex. Le groupe d’HLM à Argenteuil pour le compte de la Société Emmaüs portait sur des immeubles de huit niveaux de vrai duplex .
Il faut attendre la cellule type de Toulouse-Le-Mirail pour voir réutiliser la différence de niveau, mais elle se résume à 50 centimètres de décalage.
Comme nous le verrons par la suite, au fur et à mesure des appels d’offres infructueux, la suppression de cette rupture de niveau pour économies sera systématiquement évoquée.
Mais les architectes en feront une des conditions du projet: « Ces trois marches, a dit l’architecte Candilis, elles coûtent peut-être 1000 F, mais j’y tiens »
La double circulation dans le logis
La possibilité du choix et la séparation entre se réunir et s’isoler conduit à trouver une double circulation dans le logement, l’une distribuant les pièces d’eau l’autre au travers du séjour. C’est ce qui apparaît dans leur plan pour l’Opération Million avec dès l’entrée la possibilité de rejoindre le coin nuit en passant par les pièces d’eau ou en passant par le séjour. Cette double circulation offrant l’avantage de l’intimité que donne le couloir sans l’inconvénient de la perte de place.
Au Mirail la tripartion traversante de la cellule et les loggias devaient permettre plusieurs modes de circulation et surtout d’éviter les couloirs. Candilis oppose « espaces continus » contre « espaces couloirs » c’est à dire qu’il préconise une fluidité, une dynamique de l’espace grâce à l’interpénétration et à la flexibilité.
Une première circulation se fait le long du « couloir/entrée » qui distribue séjour , cuisine , WC, salle de bain, chambre, espace pivot.
Perpendiculairement à ce système l’espace pivot distribue la chambre des parents, un grand rangement et une ou deux chambres d’enfants.
Sur les premiers appels d’offre les loggias mettaient en communication sur l’avant cuisine, séjour, chambre et sur l’arrière les trois chambres.
Ce principe de « circulation en rond » accueilli favorablement par les visiteurs de la quinzaine des arts ménagers fut par la suite abandonner pour raison d’économie.
Le logement traversant et la position de l’escalier
La double orientation du logement est un des thèmes récurant de l’équipe que l’on peut voir progresser de la cité radieuse à Bellefontaine.
Intimement lié à la structure tripartite on en suit l’évolution sur les mêmes opérations.
Ce qui pour Candilis conditionne la faisabilité économique du logement à double orientation c’est la position de l’escalier.
Dans un article de 1958 il montre dans un rapide historique comment les recherches d’économie sur le logement ont obligés les architectes à passer de la cage d’escalier en façade desservant deux logements par palier à la cage d’escalier central desservant 4 logements mono-orienté, hypothèse de Candilis confirmer par l’analyse de la production courante de l’époque.
La coursive tous les deux ou trois niveaux desservant des duplex est une solution économique qui permet sur l’exemple de la cité radieuse, des logements traversants.
Toujours dans cet article de 1958 il propose une autre solution : un système de distribution mixte avec coursives desservies par ascenseur qui elle même raccorde les escaliers. Aux niveaux des coursives on trouve des logements de petites tailles mono-orientés. Aux niveaux desservis par les escaliers des logements traversants.
Ainsi en combinant ascenseurs, coursives ou rues intérieures et escaliers, Candilis passe de l’échelle de l’immeuble à celle du quartier.
C’est cette solution qui sera adoptée quelques années après pour l’opération Bellefontaine. Les ascenseurs placés environs tous les cent mètres desservent les coursives aux niveaux 1,5,9,13 où l’on trouve des deux pièces, des studios et des celliers ainsi que les escaliers qui permettent de rejoindre les niveaux intermédiaires à raison de deux appartements traversants par palier.
La prolongation extérieure de la cellule: la loggia et le balcon
Des patios suspendus de l’habitat musulman aux loggias de Bellefontaine, la recherche d’une prolongation du logement à l’extérieur est une des constantes des architectes.
Au Maroc, l’ATBAT n’est pas le seul groupe a cherché dans cette direction, on peut citer les architectes Jean Hentsch et André Studer avec leur « habitat type pour musulmans » de 1953-55 qui reprend le même système de patio suspendue:
« Maintien pour chaque logement du patio dans sa conception traditionnelle, c’est à dire à ciel ouvert, fermé aux regards étrangers, et restant le centre du logement sur lequel donnent toutes les pièces » .
A l’occasion de la présentation de l’appartement témoin en 1964 un texte décrit l’importance donné aux loggias de Bellefontaine. Les architectes voulaient qu’elles deviennent de véritables espaces de distribution. Ainsi cuisine, séjour et chambre y ouvraient pour la partie jour avec en symétrie la même partition pour la partie nuit : loggia distribuant 3 chambres. Les visiteurs semblaient enthousiastes :
» Les deux loggias donnaient à l’appartement une grande clarté, agrandissement des pièces, permettant aux enfants de jouer sous l’oeil de leur mère sans danger et à l’extérieure de l’appartement suffisamment spacieuses pour que l’on puisse y manger ou s’y reposer en été – en hiver, les fleurs et les plantes grasses y seront à l’abri du gel – toutes pièces donnant sur les loggias » .
Le rôle de la loggia n’est donc pas qu’une façon de donner hors règlement des mètres carré en plus, il s’agit pour les architectes d’un réel espace distributif dont la nature d’intériorité ou d’extériorité peut être modifiée grâce au volet coulissant.
Ce dispositif distributif est visible sur les plans de permis de construire en 1964 et disparaît sur les dossiers marchés en 1966.
Les architectes n’ont jamais précisé dans leurs textes s’il y avait un rapport entre orientation et qualification des loggias. Nous savons juste que la loggia nord « position la plus intéressante à Toulouse puisqu’elle permet de trouver un endroit frais l’été », et que la seconde, sur l’autre face de l’immeuble, est destinée aux « amateurs de soleil » .
Dans la pratique on peut vérifier qu’à Bellefontaine où la composition des immeubles à 120° interdit tout systématisme, la loggia de la partie nuit ouvre au Nord ou à l’Est et la loggia de la partie jour ouvre au Sud où à l’Ouest.
La division tripartite du logement par la structure porteuse à trame perpendiculaire aux façades
Tout comme l’organisation verticale, la division tripartite de la cellule-type de l’opération expérimentale de la Z.U.P. du Mirail ne relève pas non plus de la simple résolution de dernière heure d’un problème constructif. Bien au contraire, ce principe s’inscrit dans une longue réflexion qu’ont menée G. Candilis et S. Woods sur la question de l’habitat.
Dans un article intitulé « habitat pour le plus grand nombre », publié dans la revue Technique et Architecture , G. Candilis, propose, pour composer un habitat en rez-de-chaussée en bande, dite la « série Trèfle », de diviser les logements en trois travées. L’une, centrale de 3 mètres de large, comprend le séjour et la chambre des parents. Ces pièces partagent le même espace ouvert et traversant. Les deux autres travées latérales de 2,25 mètres de large, contiennent deux chambres d’enfants, la cuisine, la pièce d’eau et une troisième chambre. Les murs porteurs sont donc perpendiculaires aux façades remplies par des pans de bois. Tous les logements sont traversants et à double orientation.
La travée centrale associée à une travée latérale, définit un appartement de 3 pièces principales. Ce F3 constitue pour G. Candilis un dispositif de base à partir duquel peuvent être élaborés différents types d’appartements par diverses combinaisons d’adjonction d’une partie ou de la totalité de la troisième travée. Sont ainsi obtenus un F5 et un F4 avec sa variante.
Partant de cet « habitat pour le plus grand nombre », conçu pour être construit en rez-de-chaussée, il semble que G. Candilis et S. Woods cherchent à reproduire ce type d’organisation de cellule aussi bien pour le logement individuel groupé que pour le logement collectif. Ce sont par exemple les immeubles « Trèfle » d’Oran (Algérie) en 1955 ou d’Aulnay-sous-Bois pour la société d’HLM Emmaüs en 1954, ceux de la Garenne Colombes, toujours pour la fondation de l’Abbé Pierre, en 1956, avec des trames latérales légèrement plus large (2,40×3,00m). Et c’est le même dispositif que l’on retrouve au Mirail, seuls les espacements des trames ont varié.