Le patrimoine des maisons de ville en midi toulousain face à la transition écologique

Maisons de bastides
Manuel rétroactif de construction durable

Abstract
Il s’agit d’offrir aux maisons de bastides leur manuel de construction rétroactif.Patrimoine en réseau, les bastides constituent un paysage urbain et grande valeur historique, culturelle et identitaire.C’est donc un enjeu majeur de définir la place des bâtiments qui les composent dans l’univers de la construction contemporaine.Celui-ci, toujours plus soucieux de la « durabilité », aurait grand intérêt à voir dans ce patrimoine un potentiel (ressource en matière, modèles, etc.) et non une archéologie.C’est en effet un patrimoine urbain ordinaire qui présente une durabilité avérée.La durabilité de ce type est « une montagne d’évidences sans manifeste » et sa résilience n’est plus à démontrer – la maison de bastide est à l’origine lieu de production, de stockage, de travail et de commerce en plus d’être un logement.Nous allons chercher à la définir et à la quantifier au regard des critère de performance contemporains.

Il s’agit également, au regard de cette durabilité décryptée, d’apprendre à transformer ces maisons, de faire émerger un principe sable de restauration durable, et d’en dégager les outils et les méthodes. Cette restauration durable a comme objet la valorisation et/ou la réactivation de la durabilité du type dans une réflexion écologique globale – environnement, rapports sociaux, subjectivité humaine – tout en veillant à la préservation de leur singularité.L’usage et son évolution, corrélé à la résilience et à la flexibilité de ce patrimoine sera au fondement de cette approche.

Il s’agit enfin de proposer une révision des valeurs de jugement du patrimoine en proposant la « valeur durable » comme outil opérant pour une pensée du patrimoine contemporaine, à l’ère du nouveau régime climatique. Cette valeur ouverte tend à qualifier le potentiel pour ce patrimoine à être réinventé à partir de lui-même. Elle appelle à un dépassement des catégorisations disciplinaires fermées – architecture, patrimoine, structure, thermique et même politique et culture – pour quantifier réellement la performance écologique du patrimoine.

État de l’art
Si les Bastides ont été très bien décrites au plan historique et de leur fabrication leur actualité reste à questionner. Notamment en ce qui consterne le type qui les compose presque exclusivement : les maisons de ville. L’aspect systématique de l’utilisation de ce type – et la persistance de ce systématisme – associé à la spécificité propre à chaque tradition constructive – chaque bastide adapte le modèle commun aux ressources dont elle dispose – qui nous intéressera tout particulièrement. Cette dialectique général/local nous semble en effet être le premier jalon de leur durabilité.

D’une manière plus générale, le potentiel du type maison de ville a été relevé pour Paris notamment dans l’ouvrage Les maisons de Paris de Jacques Fredet – à replacer bien-sûr dans la lignée des travaux antérieurs de Viollet-le Duc entre autres – propose une approche constructive dessinée de son objet d’étude. Le rapport étroit qu’entretien le bâtiment avec la façon dont il est bâti est souligné par la qualité des relevés et des dessins aux différentes échelles.

Ce potentiel est également souligné par Gérald Ledent dans son histoire de la maison mitoyenne bruxelloise . Cette étude typologique et historique particulièrement détaillée de la constitution d’un type – très proche de celui que nous souhaitons explorer – travaille toujours à établir ce lien forme-construction en parallèle de l’approche historique. De ce travail particulièrement précieux pour nous nous retiendrons l’objet et la méthode (très inspirant du point de vue méthodologique est également son travail sur les potentiels relationnels ), mais nous chercherons à nous distancer de la dimension historique pour proposer un regard depuis le présent tourné vers le futur.

C’est à ce type que nous souhaiterions tenter d’appliquer la notion de« performances du patrimoine » qui a été amenée de manière implicite par Umberto Napolitano et Franck Boutté quand ils se sont attachés à confronter le patrimoine haussmannien parisien aux critères de performance contemporains dans le cadre de l’exposition Paris Haussmann au Pavillon de l’Arsenal à Paris en 2017 et de la publication qui en a découlé. Cette confrontation a mis en exergue les qualités intrinsèques de ce type de patrimoine, et a par-là ouvre des pistes pour concevoir aujourd’hui.Ce travail pourra nous servir de base comparative, d’étalon pour nos propres résultats. Ainsi, nous nous attacherons à utiliser des indicateurs permettant une lecture transversale des données – nous pourrons pour commencer prendre les critères d’analyse développés comme point de départ pour la définition des nôtres.Ce travail est inspirant car ils ont réussi à démontrer que la ville haussmannienne est une ville durable au travers d’un travail graphique d’une grande précision aux échelles de la ville, de l’îlot et de l’immeuble.

Cette approche est bien sur tributaire des grands modèles de l’inventaire systématique que peuvent être le travail de Bernd et Hilla Becher en photographie ou la plateforme online Atlas of rural (Atlas of places)aujourd’hui. Cette recherche d’objectivation du regard– dans laquelle nous souhaitons nous inscrire notamment dans la constitution du corpus par une mise en place de critères précis – se place dans la continuité des grands traités du classicisme et des Beaux-Arts d’approche du bâtir par la typologie, le système et la norme. A cet égard, le traité de Pierre Le Muet fait figure de référence majeure puisque son objet est la maison. La combinatoire fondée sur la classification dimensionnelle des modèles ouvre pour nous de nombreuses perspectives tant en termes de méthode que de représentation – ce sont d’ailleurs de ces modèles que se revendiquent Rem Koolhass et Éric Lapierre pour leurs récents travaux de commissariat d’expositions.

Pour ce qui est de la dimension écologique du patrimoine, il nous que c’est une question qui est abordée de manière encore trop fragmentée et limitée, bien souvent uniquement sur la dimension thermique et l’isolation des parois. Il s’agira de montrer que la durabilité de ce type réside dans ses caractéristiques à toutes les échelles et de recoller les morceaux.

A l’échelle urbaine nous disposons d’un savoir contenu dans les travaux d’ores et déjà menés dans le cadre des différentes études du patrimoine architectural, urbain et rural (ZPPAUP, AVAP, PSMV, SPR) applicables ou en projet sur la zone géographique concernée par mon travail seront également une base documentaire précieuse. Ces études à la parcelle – point de départ pour une analyse à l’échelle du bâtiment – formeront une première base de données typologique à la fois originale et précise.

A l’échelle du bâtiment, la durabilité du type réside dans ses caractéristiques spatiales, morphologiques et formelles en lien étroit avec une dimension constructive. C’est pourquoi, à l’image du Traité théorique et pratique de l’art de bâtir de de Jean-Baptiste Rondelet – dont Valérie Nègre a montré la proximité avec l’Histoire de l’Architecture d’Auguste Choisy – il nous parait intéressant de dégager une sorte de manuel de construction. A la différence près que ce manuel sera ici constitué a posteriori, sur la base d’une archéologie du bâti – un manuel de construction ordinaire traditionnelle rétrospectif en quelque sorte.

Enfin, à l’échelle du détail, les performances thermiques des modes de construction anciens ne sont plus à démontrer. Les divers travaux de Valérie Nègre sur le plan théorique et historique ou les recherches Hygrobaet CREBA ont mis en relief les qualités intrinsèques des matériaux et des techniques anciens employés . De plus nous pourrons nous appuyer sur les outils et méthodes éprouvées par Stéphane Ginestet – co-directeur de cette thèse – en ce qui concerne le travail de restauration et notamment sur les maisons de Cahors dans le cadre du projet ENERPAT (projet Interrégional SUDOE), sur l’étude d’écorénovation du bâti ancien qui a fait l’objet de la thèse de Sophie Claude , ou encore dans le cadre du projet Toulouse Grand Ensemble .

Nous garderons toujours en tête la nécessité de porter un regard critique sur la question du « climat » par le contrôle des « ambiances ». Philippe Rahm dans ses différentes publications et plus largement dans son travail nous engage à questionner les conditions de confort dans lesquelles nous sommes habitués à évoluer . Ce questionnement doit être mené a fortiori quand il s’agit de venir plaquer ces conditions de confort contemporaines sur des bâtiments qui ont été bâtis en dehors de ce référentiel.

C’est pourquoi nous chercherons à apporter un outil avec une dimension climatique quand il s’agira de réquisitionner la notion de valeur patrimoniale. Si nous nous appuierons bien sûr sur Le Culte Moderne des monuments , ouvrage de référence d’Aloïs Riegl qui garde pour nous toute son actualité, il nous parait aujourd’hui important de tacher d’embrasser également les diverses propositions de mise à jour de cette grille de critères pour nous chercher à proposer un complément opérant pour le jugement de la « valeur de durabilité ».

Maître d'ouvrage :

Contrat doctoral - Caisse des Dépots et soutien LRA

Date :

2020-2022 puis transfert sur autre codirection soutenance 2024.

Doctorant :

CAMPEDEL Simon

Composition du jury :

École doctorale : MEGEP
Unité de recherche : Laboratoire de Recherche en Architecture (LRA), ENSA T

Directeurs de thèse :
Stéphane Ginestet, professeur, docteur sciences pour l’ingénieur, directeur département Génie Civil, INSA.
Rémi Papillault, professeur HDR en architecture, docteur en Histoire, EHESS, Paris. (2020-2022)