Zineb ZAIR
La thèse s’attachera à démontrer la pertinence de l’usage du chantier-école au service du projet de restauration écologique et durable du patrimoine architectural ordinaire, à base de matériaux et de compétences de mise en œuvre biosourcés et géosourcé prélevés localement. Et ce, en s’inscrivant dans le cadre d’un projet d’écologie sociale basé sur l’intégration des individus au cœur de la dynamique du projet patrimonial.
Pour ce faire, nous prenons appui sur un prototype d’organisation humain et technique d’un chantier-école mis en place par l’association Castelroc, qui depuis cinq ans semble faire ces preuves.
Afin d’en observer la pertinence, ce dernier étant déjà appliqué dans le cadre de restauration du château de La Roque, il sera mis à l’épreuve sur de nombreux chantiers potentiels de restauration du patrimoine ordinaire du centre Tarn par l’association Castelroc. Par ailleurs, nous mettons le même prototype de chantier-école dans un processus comparatif au regard d’autres cas en Région Occitanie et plus largement en France, et ce, dans le but d’évaluer sa capacité d’adaptation aux différentes attentes patrimoniales, environnementales, socio-professionnelles, et économiques.
Le chantier-école
Appelé également chantier de bénévoles , chantier de travail volontaire, chantier collectif, ou chantier participatif, il s’agit d’un dispositif favorisant l’interaction entre l’activité humaine, la construction et l’environnement. Il place les Humains au cœur de l’acte de construire, ou de restaurer le patrimoine, en se servant des ressources naturelles extraites d’un territoire de proximité. Selon les historiens de l’habitat vernaculaire, ce dispositif n’innove pas, mais « réactive le principe de l’entraide villageoise : pour une partie de la population, construire une maison impliquant d’auto construire la majeure partie de la maison avec sa parentèle et ses voisins ».
Afin de retracer l’histoire des chantiers-écoles, nous nous appuyons sur quatre expériences architecturales se déroulant dans différentes zones géographiques du monde.
Nous distinguons d’abord l’expérience du nouveau village de Gourna situé à proximité de la ville de Louxor en Égypte. Celle-ci fut dirigée par l’architecte Hassan FATHY (1900-1989) en 1945. Ce dernier préconise de mettre en place un système coopératif de construction avec les usagers, et ce, dans le cadre d’un chantier-école conjuguant l’usage de matériaux de construction biosourcés locaux (terre et bois) aux savoirs faire constructifs maîtrisés par les paysans locaux afin de fabriquer une architecture à moindre coût, populaire et contextualisée. Pour assurer l’implication des usagers dans la construction de leur propre village, Hassan Fathy prévoit le lancement d’un chantier-école de construction d’abord sur les sites de construction des bâtiments publics, tels que la mosquée, le marché, et les écoles permettant de former les villageois aux métiers de la construction, qu’ils appliqueront ensuite pour la construction de leurs propres maisons.
Par ailleurs, Rural studio est un atelier de projet participatif créé en 1993 par l’architecte Samuel Mockbee (1944-2001). Celui-ci met les étudiants du département d’architecture de l’Université d’Auburnau au cœur de l’acte de concevoir et de bâtir entièrement des projets, au service de ménages aux ressources très modestes, issus du territoire rural le plus pauvre de l’ouest de l’Alabama aux États-Unis. Rural Studio reflète le concept du chantier-école » du fait qu’il favorise l’apprentissage expérientiel sur le tas, et l’auto-construction manuelle par les étudiants et les usagers. Ces derniers ne disposant d’aucun budget, cela impose un recours à l’usage de matériaux locaux et recyclés tels que des dalles de moquette usagées, des plaques d’immatriculation des voitures, etc. Suite au décès de Samuel Mockbee en 2001, l’architecte Andrew Freear prend la direction de Rural Studio qui aujourd’hui a mené la construction de plus de 200 projets, dont des habitats individuels, une caserne de pompiers, une ferme, etc.
Toutefois, l’architecte anthropologue Salima NAJI développe entre 2001 et 2018 une démarche participative intégrant les usagers dans la réflexion et la restauration des greniers collectifs dédiés à l’approvisionnement des aliments et des biens précieux dans les hautes montagnes marocaines. Nous citons à titre d’exemple le grenier d’Aguellouy caractérisé par une architecture singulière intégrée dans un éperon barré, celui-ci est détruit partiellement par les pluies, et fut objet de multiples campagnes de restauration par le moyen du chantier-école (2004, 2005, 2006) co-organisé par une association, des maçons et des ouvriers issus du village. « le chantier devient une école de formation » basée sur la valorisation des compétences constructives, des savoir-faire et des matériaux de construction prélevés localement. En dépit des moyens modestes, cette dynamique collective mène à l’entière restauration du grenier d’Agoulay, ainsi que d’autresgreniers, ksours, et villages du territoire rural sud marocain.
Enfin, en s’appuyant sur mon expérience associative de coordinatrice de chantiers-écoles de entre 2016 et 2018 au sein du collectif « Tamazgha Builders », il est question de livrer une démarche participative permettant d’expérimenter la restauration de deux habitats ruraux vernaculaires abandonnés, situés dans un territoire montagnard du nord de l’Algérie. Le projet de restauration veille à collaborer avec les usagers, les maçons, et les acteurs associatifs locaux, tout en valorisant des matériaux et des savoir-faire constructifs vernaculaires locaux (terre, pierre, bois). Cette démarche a permis de restaurer entièrement une des bâtisses reconverties en bien commun, permettant aux villageois de déposer leur matériel de construction et outillage de jardinage.
Nous constatons que depuis son commencement, le chantier-école répond à des problématiques architecturales, patrimoniales, socio-économiques et environnementales. Son histoire évolue sous la pression de concept contemporain tel que l’écologie, l’urbanisme participatif, l’apprentissage par le faire, etc. Toutefois, il est à noter que plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans la définition du chantier-école. D’abord, le concept du « faire » traduit par la nature de l’intervention envisagée par l’Homme : construire, restaurer ou réhabiliter. Vient par la suite la notion du « faire ensemble » déterminant ainsi l’ensemble des parties impliquées dans l’intervention, à l’exemple des étudiants, des usagers, des bénévoles, des salariés en insertion, etc. Enfin, le dernier paramètre s’ouvre sur le « savoir-faire » lié aux métiers d’artisanat abordés, tels que la maçonnerie traditionnelle, la taille de pierre, les enduits traditionnels, la charpente, la menuiserie, la forge, la ferronnerie, etc.
Maître d'ouvrage :
Date :
Doctorant :
Zineb ZAIR
Composition du jury :
École doctorale : Temps, Espaces, sociétés, cultures (TESC), UT2J
Unité de recherche : Laboratoire de Recherche en Architecture (LRA), ENSA T
Directeurs de thèse :
Rémi Papillault, professeur HDR en architecture, docteur en histoire, EHESS, Paris.
Meriem Bekkoucha, maitre de conférences, TPCAU, ENSA Toulouse.